Le Seder de Rosh Hashana

Le soir de Rosh Hashana, nous nous installons pour un seder*. Comme pour Pessa’h nous mangeons des aliments bien particuliers dont le nom ou le goût sont en rapport avec nos souhaits pour la nouvelle année. Le Seder de Rosh Hashana est une coutume très ancienne, ni sepharade, ni ashkénaze, elle était déjà observée aux premiers siècles de l’ère chrétienne. Elle est mentionnée dans le Talmud Bavli* en arameen* :

”אמר אביי: השתא דאמרת ‘סימנא – מילתא היא’, יהא רגיל איניש למיכל ריש שתא: קרא ורוביא, כרתי, סילקא
ותמרי

ou si vous préférez: selon Abbaya*: Maintenant que tu as insisté sur l’importance des symboles , tu dois manger à Rosh Hashana de la courge, des haricots, du poireau, des épinards et des dattes.

Et les sages du Talmud, toujours friands d’acrostiches (comme pour le seder de Pessa’h) inventèrent le mot קרכס »ת, karkast, composé des initiales de ces différents mets. Et comme ils étaient aussi très friands de discussions, il discutèrent pendant des siècles pour savoir s’il fallait les manger ou seulement les voir, en se référant à la coutume de Rabi ‘Hai Gaon* qui était de présenter ces aliments et non pas de les manger. Evidemment, ce fut la déclaration d’Abbaya qui obtint les suffrages car comment ne pas manger un soir de fête?

(Carl Schleicher (1825-1903): Eine Streitfrage aus dem Talmud, une controverse talmudique)

Et non seulement les Juifs les mangèrent mais en ajoutèrent bien d’autres, en remplacèrent certains, selon la région où ils habitaient.

(Photo real Jerusalem streets)

Mais en fait pourquoi une telle coutume?
C’est qu’avant de les manger ces aliments, nous prononçons à chaque fois une bénédiction. Certaines contiennent des souhaits de bonne année et de perfectionnement de notre conduite. Mais d’autres sont bien moins politiquement correctes puisque nous y souhaitons la disparition de nos ennemis, non pas de nos ennemis personnels qui ont peut-être de bonnes raisons de ne pas nous apprécier, mais des ennemis de notre peuple qui- et là, nous retrouvons la phrase de la Haggadah de Pessah- se lèvent à chaque génération pour nous exterminer.
Ainsi pour chaque aliment, nous présentons une supplique en corrélation avec le nom en hébreu du nom de l’aliment en question, ou parfois sa forme:

En premier, vient la pomme avec laquelle on se souhaite mutuellement une bonne année en la trempant dans du miel. Bien que le mot tapoua’h apparaisse dans le Shir hashirim (cantique des Cantiques), nous savons que la pomme a été introduite bien plus tard au Moyen-Orient. Qu’est-ce donc alors que ce tapoua’h, qui réconfortait l’amante du Shir hashirim?
Selon certains linguistes, le mot tapoua’h dérive de la racine נפח (= souffler parfumer), et signifie donc le fruit parfumé. Pour d’autres il dérive de de la racine תפח ( tafa’h) gonfler, devenir ou être rond. Alors fruit parfumé, pas vraiment, fruit rond? Comme la plupart d’entre eux.
Un des grands botanistes du 19ème siècle plaida pour l’abricot: il est parfumé et rond! De plus ajouta-t il doctement, l’abricotier a été introduit en Eretz Israel à l’époque de Noa’h. Il est vrai que cette affirmation est celle du célèbre chanoine Tristram* qui écrivit « L’histoire naturelle de la Bible » et qui suis-je pour le contredire?
Il est possible que le mot tapoua’h, le fruit rond, renflé, ait été tout simplement le mot générique pour fruit.
C’est ainsi qu’en anglais et en français, les mots apple et pomme furent eux aussi utilisés pour parler des fruits en général. De là est né le terme français pour pomme de terre. L’hébreu a adopté aussi la pomme de terre, תפוח אדמה (tapuach adama). Plus récemment, dans les années 1940, le linguiste Yitzchak Avi-Neri a inventé le mot תפוז (tapuz), un acronyme de « tapuach zahav » תפוח זהב – « pomme d’or » – pour parler des oranges. En fait, il a utilisé les pommes d’or qui apparaissent dans le livre de Mishlei-Proverbes.

Des pommes d’or dans des vases d’argent ajourés, telle une parole prononcée à propos
תַּפּוּחֵי זָהָב, בְּמַשְׂכִּיּוֹת כָּסֶף– דָּבָר, דָּבֻר עַל-אָפְנָיו)

En fait, quelque soit le fruit, ce qui compte surtout c’est qu’il soit trempé dans le miel, car Eretz Israel est la terre du lait et du miel.

Nous consommons aussi des grenades et des grains de sésame pour que nos mérites soient aussi nombreux que leurs grains, des dattes pour que nous nous élevions en justice aussi haut que le palmier.
Je n’ai jamais aimé présenter une tête de poisson sur la table de fête. Et pourtant, que faire? Le poisson est symbole de fertilité dans tout le Moyen-Orient et j’ai terriblement besoin d’idées fertiles! De plus, nous le mangeons en récitant cette phrase: que nous soyons toujours en tête et non pas en queue! Ah le pieux souhait de tous les parents juifs: soyez les premiers à l’école! Bref, impossible donc de s’en passer. J’ai donc décidé de présenter un poisson en pâte brisée, fourrée aux olives et au thon, et qui sourit, bien sûr, c’est Rosh Hashana!

Mais pourquoi mangeons nous ces deux légumes: les betteraves (ou feuilles de bettes ou épinards) et les poireaux? Pour nous débarrasser de nos ennemis!
Le poireau* se disait autrefois karti, si proche à l’oreille du verbe כרת Karat, extirper, retrancher. En le consommant nous demandons à Dieu de supprimer ceux qui nous veulent du mal, comme il est écrit dans le livre du prophète Mikha (Michée 5,8) : Tous tes ennemis seront exterminés.
Quand aux betteraves, leur nom est סלק (selek), ce qui nous fait penser à la racine SLK, chasser, renvoyer.
Nous contenterons-nous d’expulser nos ennemis? Du moment qu’ils ne reviennent pas!

Et la courge, me direz-vous? Pourquoi en mangez-vous?
En hébreu, la courge se dit דלעת (dlaat) mais Kara en araméen. mot similaire au verbe קרע (Kara), déchirer. En les dégustant à Rosh Hashana, nous espérons que tous les jugements les plus durs à notre encontre seront déchirés et que tous nos mérites, nombreux forcement grâce aux grains de grenade, seront jugés favorablement le jour de Kippour où nous serons inscrits dans le livre de la vie.

Superstition comme le prétendait une de mes connaissances? Non, personne ne pense que les poireaux et les betteraves vont nous débarrasser de nos ennemis, ou que l’année nous sera douce parce que nous aurons trempé une pomme dans le miel. Ces légumes et ces fruits sont appelés סימנים (simanim), signes: pour chacun, nous remercions Dieu de ce que nous avons déjà, pour les fruits de la terre et des arbres et chacun d’entre eux nous rappelle ce vers quoi nous tendons: une vie plus morale et un peuple enfin libéré de cette haine gratuite qui l’entoure. Ce sont ces repères qui marquent les étapes de notre vie, les pierres sur le chemin אבני דרך (avnei derekh). Ce sont de délicieux repères, un peu comme le ‘Harosset, délicieuse argile du Seder de Pessa’h*.

Merci pour tout ce que tu as créé, merci pour ce que tu m’as donné: la lumière dans les yeux, un ami ou deux, merci pour tout ce que j’ai au monde, pour le rire d’un enfant et le ciel bleu, pour ma terre et un endroit où vivre, pour un jour de bonheur, pour l’innocence et la droiture, pour une journée triste qui a disparu, une femme aimante grâce à qui j’existe.

(Raya Sorkine 1936-2022)

Bonne année 5783
שנה טובה ומתוקה
שנת בריאות אושר ושלווה

A bientôt,

*Si vous voulez tout savoir sur le mot seder:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2013/03/30/tout-est-en-ordre/

* L’araméen:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2021/02/09/larameen/

* Abbaya ou Abbaye: l’un des plus célèbres sages du Talmud Bavli qui vivait au 4ème siècle de l’ère chrétienne _Rabbi ‘Hai Gaon (939-1038): un des plus grands sages de la période des Guéonim en Babylonie.

* Les pommes d’or du livre de Mishlei font référence à une sorte de bijoux:

* Le poireau: De nos jours, nous disons כרישה (krisha), très proche à l’oreille de כריש (Karish), un requin. Ne vous trompez pas de mot chez l’épicier!

* Une délicieuse argile:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2014/04/11/une-delicieuse-argile/

* Tristram Henry Baker (1822-190) chanoine à la cathédrale de Durham (1873), spécialiste de la Bible. Explorateur, géologue, naturaliste et ornithologue (membre fondateur de la British Ornithologist’s Union.

Les ivoires de la cité de David


L‘Autorité des Antiquités et l’Université de Tel Aviv ont mené des fouilles sur le parking Givati* jouxtant la cité de David* et ils y ont découvert une collection de plaques en ivoire datant du Premier Temple, c’est à dire de la période qui va du règne de Salomon à la la chute du royaume de Yehouda (Juda) en – 586.
Ces plaquettes d’ivoire ont été découvertes dans les ruines d’un bâtiment datant de la période où Jerusalem était à l’apogée de sa puissance. Ces ivoires décoraient le mobilier des appartements de personnages des plus riches et influents, membres de la famille royale, ministres…

(Dessin de Shalom Kweler, Ir David)

Ce qui est passionnant c’est que cette découverte est l’illustration du texte qui décrit la splendeur du trône royal de Salomon, dans le premier livre des Rois (10, 18-28):
Le roi (le roi Salomon) fit aussi faire un grand trône d’ivoire, qu’on recouvrit d’or pur. Six degrés conduisaient à ce trône, que surmontait un dais s’arrondissant par derrière; des deux côtés du siège se trouvaient des bras, près desquels se tenaient deux lions;  et douze lions étaient rangés, de part et d’autre, sur les six degrés. Pareille chose n’avait été faite dans aucun royaume. Tous les vases à boire du roi Salomon étaient en or et toute la vaisselle dans la maison de la Forêt du Liban était de l’or le plus fin. Point d’argent: il n’avait aucune valeur du temps de Salomon. De fait, le roi avait une flotte à destination de Tarsis, naviguant avec la flotte de Hiram, et qui revenait tous les trois ans avec une cargaison d’or et d’argent, d’ivoire, de singes et de paons. Le roi Salomon surpassa tous les rois de la terre en opulence et en sagesse. De partout on venait rendre visite à Salomon, pour jouir de la sagesse que Dieu avait mise en son cœur. Et chacun lui offrait, comme hommage, des objets d’argent ou d’or, des vêtements, des armes, des aromates, des chevaux, des mulets, et cela chaque année. Salomon eut une collection de chars et de cavaliers, quatorze cents chars, douze mille cavaliers, les fit diriger vers les dépôts de chars et en garda près de lui à Jérusalem. Le roi rendit l’argent, à Jérusalem, aussi commun que les pierres, et les cèdres aussi nombreux que les sycomores de la vallée

Il faut se souvenir que dans le monde antique, l’ivoire, était alors considéré comme plus précieux que l’or et l’argent. C’était une des matières premières des plus rares, ce qui explique pourquoi le texte des Rois décrit la richesse du palais en insistant sur le fait que: Le roi rendit l’argent, à Jérusalem, aussi commun que les pierres…

Le prestige de l’ivoire est aussi lié au savoir-faire requis pour sa transformation et la réalisation artistique des décorations, explique le professeur Yuval Gadot.
Y avait-il à Jerusalem des artisans de renom, spécialisés dans la sculpture de l’ivoire? On ne le sait pas. Est-il est possible que les ivoires soient arrivés à Jérusalem déjà sculptés, prêts à être incrustés dans mobilier? Ce même texte du livre des Rois nous dépeint un commerce florissant entre Jerusalem et les royaumes aux alentours: … Le roi avait une flotte à destination de Tarsis, naviguant avec la flotte de Hiram, et qui revenait tous les trois ans avec une cargaison d’or et d’argent, d’ivoire, de singes et de paons… Et une Jerusalem, puissante capitale:Et chacun lui (au roi) offrait, comme hommage, des objets d’argent ou d’or, des vêtements, des armes, des aromates, des chevaux, des mulets, et cela chaque année..
En tout cas, c’est après avoir comparé des ivoires qui apparaissent sur les panneaux muraux du palais du roi assyrien Sennacherib à Ninive, que les chercheurs ont proposé de reconstituer les panneaux d’ivoire de Jérusalem; sans doute incrustés dans un lit royal, que l’on peut imaginer se trouver à l’étage supérieur du magnifique édifice.

Ce qui est aussi intéressant, c’est que si les sculpteurs de ces ivoires étaient des artisans assyriens, ils travaillaient pour des commandes particulières de Jerusalem: en effet, ces panneaux comportent uniquement des motifs de rosette* avec des arbres stylisés, des motifs de fleur de lotus ou des motifs géométriques, tous typiques du royaume de Yehouda, et non pas comme en Assyrie, des motifs d’animaux mythologiques et de figures humaines.

(Restes d’un linteau en bois sculpté, prêt à recevoir les plaques d’ivoire)

Les responsables des fouilles, le professeur Yuval Gadot et le Dr Yiftach Shalu expliquent: Nous connaissions déjà l’importance des grands royaumes et de leurs capitales à l’époque du Premier Temple, telles que Nimrod, capitale de l’Assyrie, ou Samarie, capitale du Royaume d’Israel. L’importance et la centralité de Jerusalem à cette même époque nous étaient déjà également connues, mais cette nouvelle découverte nous permet de mieux cerner ce que fut le statut politique et économique de Jerusalem et la place au même niveau que les autres capitales du Moyen-Orient.

Le grand bâtiment à l’intérieur duquel les ivoires ont été découverts a été détruit par un grand incendie, apparemment lors de la destruction de Jerusalem par l’armée babylonienne en 586 avant l’ère chrétienne. Les ivoires ont été trouvés parfois écrasés en minuscules fragments plus ou moins brûlés. Il fallu beaucoup de patience et de délicatesse pour remonter et assembler les panneaux, et découvrir enfin leur beauté.

Toutes ces petites plaques carrées, d’environ 5 cm sur 5 cm et 0,5 cm d’épaisseur au maximum , étaient à l’origine intégrés aux facades des meubles , expliquent les archéologues.

Les ivoires n’étaient pas les seuls objets luxueux découverts dans ce bâtiment. Un sceau en agate, pierre semi-précieuse, des cruches remplies de vin aromatisé à la vanille, une empreinte de sceau avec le nom נתנמלך עבד המלך (Nathanmelech Eved Hamelech), c’est à dire Nathanmelekh Serviteur du roi, des objets en pierre sculptée et divers objets en bois se trouvaient mélangés aux plaques d’ivoire.
Nous savons aussi que des examens menés par le professeur Harel Shohat de l’Université de ‘Haifa ont montré que ces ivoires appartenaient à des défenses d’éléphants, sans doute originaires d’Ethiopie, ce qui nous renseigne encore plus sur les relations commerciales que le royaume entretenait avec l’Afrique orientale.

Les fouilles menées dans la cite de David ne cessent de nous surprendre. Ces derniers temps, les archéologues ont aussi reconstitué une maison particulièrement belle: cette maison était décorée de chapiteaux en pierre, dans le style typique de la période du premier Temple et les balustrades des balcons étaient ornées de petites colonnes.

(Reconstitution de la maison, dessin de Shalom Kweler, Ir David)

Les archéologues ont trouvé aussi les restes d’un jardin planté d’arbres d’ornement et d’arbres fruitiers.

(Dessin de Shalom Kweller, Ir Daivd)

et, comble du luxe, cette maison possédait des toilettes privées!

Il y a quelques années, je lisais Israel Finkelstein, archéologue émérite*, pour qui le royaume de Yehouda n’a jamais eu l’importance qu’on lui donne et il affirmait qu’il ne pouvait certainement pas être comparé aux autres royaumes du Moyen-Orient. Pour lui en fait, David n’était qu’un petit chef de clan sans envergure et tous les récits bibliques dits historiques avaient été écrits par de dévoués serviteurs du royaume, apparatchiks peu soucieux de vérité, et étaient donc en somme une sorte de Pravda de l’antiquité.
Je suis d’accord avec lui quand il déclare que le Tanakh n’est pas un livre d’histoire au sens moderne du terme. Vouloir prouver que chaque petite pierre nous révèle la véracité du récit biblique est réducteur et triste. Mais il est aussi triste et réducteur de ne pas accepter ce que les textes nous offrent en sachant que nous n’arrivons encore qu’à l’écume de ce qu’ils nous racontent.

Et oui, sans doute que David, Salomon et tous leurs descendants, hommes si humains, remplis des pires défauts et des plus belles qualités, furent à la tête d’un véritable royaume qu’ils aimèrent et défendirent jusqu’au bout! Et ce n’est pas le prophète Jérémie, l’auteur du livre des Rois selon la tradition, qui me contredira, lui qui aimait cette ville tout en fustigeant les Yerushalmim* de son époque, pressentant la chute du royaume…

A bientôt,

Toutes les photos sont de Gil Mazumen et Eliyahu Yanai, Cité de David, Dafna Gazit et Viniv Berman, Yuli Shwartz, de l’Autorité des antiquités

*Le parking Guivati:
Le parking Givati dans la Cité de David fait partie du site archéologique de la Cité de David. Le parking porte ce nom à cause d’un attentat terroriste qui a eu lieu le 15 octobre 1986 contre des soldats de la brigade Givati qui avaient terminé leur cérémonie de prestation de serment au Kotel. Des grenades avaient été lancées contre les soldats et leurs familles. L’endroit a été utilisé pendant des années comme parking pour les visiteurs du Kotel jusqu’à ce qu’il devienne un site de fouilles à partir de mars 2007.

*La ville de David ou Ir David: A l’époque du roi David et de ses successeurs, la ville se trouvait au sud du mont du Temple. C’est là qu’ont lieu les fouilles archéologiques.

*En ce qui concerne le royaume d’Israel en Samarie, ce texte du premier livre des Rois (22, 39) nous parle d’un palais d’ivoire:
Le reste de l’histoire d’Achab et tous les faits accomplis par lui, la construction du palais d’ivoire et des villes qu’il avait bâties, tout cela est consigné dans les annales des rois d’Israël
Malheureusement les annales des rois d’Israel se sont perdues, cependant des plaques d’ivoire ont été trouvées en Samarie. En voici une présentée au Musée Israel:
https://www.imj.org.il/en/collections/365181
Pour le prophète Amos qui vivait un siècle plus tard, les «lits d’ivoire» symbolisaient la société corrompue de l’aristocratie samaritaine qu’il abhorrait tant:
Couchés sur des lits d’ivoire, étendus sur leurs divans, nourris d’agneaux choisis dans le troupeau, de veaux mis à l’engrais (Amos 4, 9).

*Le motif de rosette était présent dans les décorations assyriennes et dans le royaume de Yehouda.

*Israel Finkelstein: directeur de l’Institut d’archéologie de l’Université de Tel-Aviv et coresponsable des fouilles de Megiddo.

*Les Yerushalmim:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2014/03/02/nous-les-yerushalmim/

Au tout début du mois d’Eloul

Les températures sont encore estivales, mais les aubes sont déjà plus brumeuses, nous sommes au début du mois d’Eloul.

(Photo Amiram Oren, blog amikramonbikes.com)

Comme vous le savez, le nom du mois d »Eloul (אלול) est pour notre tradition l’anagramme de la phrase:
אני לדודי ודודי לי (ani ledodi ve dodi li), je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi.
Belle expression tirée du שיר השירים (shir hashirim), le Cantique des Cantiques. Et pourtant le mot le plus important de cette phrase est sans doute le moins poétique à première vue : c’est la conjonction et qui ne comporte qu’une seule lettre en hébreu, le ו (ve ou vav). Pourquoi? Parce que grâce à lui nous avons une déclaration d’amour réciproque et non pas une simple appropriation de l’autre: Mon bien aimé est à moi. Et? Et je suis à lui!
A propos du ו (vav), on raconte que le Rav Somekh, l’un des grands du judaïsme irakien au 19 ème siècle, écoutait un jour un Juif qui lui faisait part de ses nombreuses fautes et des malheurs quelles avaient engendrés. Le Rav Somekh écoutait attentivement et de temps en temps, posait une question pour clarifier l’affaire.
Finalement l’homme lui dit qu’il n’avait aucun espoir!
Et? lui demanda le Rav
Mon histoire se termine là, lui répondit l’homme.
Et? redemanda le Rav? L’homme ne comprenait pas.
Ton histoire se terminera quand tu décideras d’y mettre fin. Tu ne me parles que de tes échecs et de tes erreurs. Tu peux maintenant la continuer en cherchant comment prendre les bonnes décisions dès à présent.
C’est pourquoi la tradition juive aime beaucoup la lettre vav qui nous enseigne qu’il y a toujours une suite.

Le nom très particulier du mois d’Eloul nous demande donc d’ajouter ce ו (vav) à notre histoire, grâce à lui nous pouvons la continuer.
Selon le calendrier hébraïque, à la fin du mois d’Eloul s’ouvrira une nouvelle année qui débutera par le mois de tishri et les festivités de Roch Hachana, le nouvel an. Nous recevrons des souhaits de bonne année et nous en offrirons. Mais comment faire en sorte qu’elle nous soit bonne? En faisant les bons choix. Car pour autant le ו (vav) ne nous permet rien, sinon de continuer l’histoire. Ce que nous en faisons ne dépend pas de lui mais de la racine בחר (B’HR), choisir, celle qui traduit l’idée du choix.
En permutant les lettres comme nous aimons le faire, nous arrivons aux verbes רחב (ra’hav), élargir, mais aussi חרב (‘harav), détruire et même ברח (bara’h), fuir. Elargir et choisir, le lien entre ces deux-là semble logique: plus notre vision est large, plus nous élargissons nos horizons plus nous sommes à même de choisir. Mais détruire? C’est que si nous choisissons un chemin nous en excluons un autre, nous détruisons une possibilité qui n’est pas forcement mauvaise. D’où notre fuite devant le choix, בחר (BHR) devient ברח (BRH), fuir.
La dernière possibilité que nous offre l’utilisation de cette racine, ne demande pas de permutation. Si לבחור (liv’hor) signifie choisir, לחבר (le’haber) signifie relier. Pour les hébraïsants, je précise que le premier verbe, choisir, est à la forme simple פעל (paal) et le deuxième à la forme renforcée פיעל (Piel). En effet, le choix nous permet de relier différemment les pièces du puzzle de notre vie et leur donner un sens nouveau.
Et c’est ainsi qu’on en arrive au mot חברה (‘hevra), la société, car le choix affecte évidemment notre vie sociale.


Mais, enfin de compte, nous sommes toujours libres de choisir, n’oublions pas que nous avons reçu le libre arbitre חופש הבחירה.
Et là je vous entend sourire. Dans quoi se lance-t-elle? Le libre-arbitre rien que ça!
C’est que le libre-arbitre est un élément central de la tradition juive. Nous pensons que chaque personne choisit elle-même son chemin et ses actions futures, de son plein gré et sans l’intervention d’une puissance supérieure.  Les actions de l’homme qui découlent de sa volonté sont les siennes, et il en est responsable. Il est écrit dans la Thora

« J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction et tu as choisiras la vie et tu vivras toi et ta postérité
הַחַיִּים וְהַמָּוֶת נָתַתִּי לְפָנֶיךָ, הַבְּרָכָה וְהַקְּלָלָה; וּבָחַרְתָּ, בַּחַיִּים–לְמַעַן תִּחְיֶה, אַתָּה וְזַרְעֶךָ
(Devarim-Deutéronome 30, 19).
Ce principe du libre choix se trouve de nombreuses fois dans le texte du Tanakh, mais aussi dans des textes ultérieurs comme celui de la Mishna. Et plus tard, selon l’avis du Rambam (Maimonide) le principe du libre choix est central dans le judaïsme: Nous savons sans aucun doute que les actions de l’homme sont entre les mains de l’homme, et à ce sujet, le Tout-Puissant ne pousse ni ne décrète …, Et pour cette raison il est dit dans la prophétie que l’homme est jugé pour ses actions – selon ses actions : qu’elles soient bonnes ou mauvaises ! » (Halakhot Tshuva, Chapitre 5, Halakha 5)
Pour nous, l’homme choisit de faire le bien ou le mal, il peut se rétracter, il peut changer, il n’est pas lié par un destin. Bien que le mot גורל (goral), destin, existe en hébreu, l’idée que nous sommes prédestinés n’est pas une idée juive. C’est une idée centrale dans la pensée orientale, le karma, ainsi que dans l’islam. Ce fut aussi celle du monde gréco-romain, le fatum sans oublier toutes les astrologies plus ou moins fantaisistes.
Mais alors, la pomme ne tombe-t-elle pas toujours par terre?
Evidemment, de même que nous sommes façonnés par notre biologie, le lieu, l’époque à laquelle nous naissons et par des évènements marquants de notre vie. Mais malgré tout, nous avons le choix.
Il est intéressant que si la plupart des cultures anciennes sont empreintes de ce déterminisme, il existe aussi dans la pensée moderne. Ainsi le déterminisme socio-économique ou historicisme, qui a commencé avec la philosophie hégélienne et qui s’est poursuivi chez les disciples de Karl Marx, prétend que le comportement de l’homme est déterminé par sa culture historique et en particulier par la lutte économique des classes. Si nous sommes nés prolétaires, nous sommes asservis pour réaliser les ambitions des capitalistes et et si nous sommes nés capitalistes, nous asservissons les prolétaires. Et si nous luttons (la lutte des classes!) ce n’est pas par libre choix mais par devoir de construire la dictature du prolétariat. Aucune place au choix personnel et à la créativité. Le désir est une illusion, et tout dépend du déterminisme socio-éducatif.
C’est tellement plus simple et surtout bien moins fatiguant, nous n’avons plus à penser et à agir mais seulement à nous laisser porter, à accepter le prédigéré.

(dessin de Jean-Marc Côté)

Mais chez nous les Juifs, il n’en n’est pas de même: il n’y a pas de personnalité continue qui agit de manière causale: Je suis ce que la société a fait de moi

(dessin plein d’optimisme, réalisé par des enfants dans le cadre de l’education spécialisée., école Oranim)

Ce n’est pas pour rien que dans la dernière parasha de l’année, Nitsavim, juste avant Rosh Hashana, nous lisons le récit des derniers jours des Hébreux dans le désert. A partir de ce moment, ils n’auront plus de colonne de feu et de nuées pour les protéger, ils ne mangeront plus de manne ou de cailles tombées du ciel exprès pour eux… Ils deviendront responsables, capables de faire des choix.

Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à mon bien-aimé, qui conduit son troupeau parmi les roses.
דּוֹדִי לִי וַאֲנִי לוֹ, הָרֹעֶה בַּשּׁוֹשַׁנִּים

Les grenades de Tishri sont presque mûres.

(grenades au mois d’Eloul, photo Zehava Ravid)

A bientôt,

*Le Sharav:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2015/09/11/sharav-ou-hamsin-quelle-poussiere/



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Les nazis n’habitent pas loin de chez moi!

De 1947 à aujourd’hui, Israël a commis 50 massacres dans 50 villes palestiniennes (…) 50 massacres, 50 holocaustes et encore aujourd’hui il y a chaque jour des morts causées par l’armée israélienne.

Voici ce qu’a déclaré le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas. Abbas a fait ces remarques incendiaires après qu’on lui ait demandé, en tant que dirigeant palestinien, s’il prévoyait de présenter des excuses auprès d’Israel et de l’Allemagne, pour l’attentat de 1972 lors des Jeux olympiques de Munich. Pendant ces Jeux Olympiques, le groupe terroriste palestinien « Septembre noir », qui était lié au parti Fatah dirigé par les terroristes Yasser Arafat et Mahmoud Abbas, avaient attaqué les athlètes israéliens dans le village olympique, les avaient assassinés et avaient même émasculé l’haltérophile Joseph Romano*.
Si le responsable de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Mohammed Oudeh (ou Abu Daoud) a déclaré dans son autobiographie être le cerveau de cet attentat , il a nommé Mahmoud Abbas comme étant celui qui l’a financée.

De plus, le lien entre le groupe Septembre noir et le Fatah a été reconnu dans un télégramme du 13 mars 1973 que le Secrétaire d’État américain William Rogers a envoyé aux ambassades américaines dans le monde. Le télégramme faisait allusion à un dossier de renseignement préparé par le Département d’Etat et la CIA qui déclarait : « L’Organisation de septembre noir (BSO) est un terme générique pour les opérations terroristes du Fatah exécutées par l’organisation de renseignement du Fatah. . . . Les fonds, les installations et le personnel du Fatah sont utilisés dans ces opérations. À toutes fins utiles, aucune distinction significative ne peut désormais être faite entre le BSO et le Fatah.

Ces jours derniers en Allemagne, Mahmoud Abbas a une fois de plus vomi son antisémitisme.
Mais les dirigeants internationaux ont-ils sérieusement fait part de leur dégout et de leur indignation?
Le chancelier allemand?
Olaf Schultz a écouté sans broncher les mensonges de Mahmoud Abbas, à part une légère grimace. A quoi pensait-il à ce moment? A son prochain week-end en Bavière? Ou bien à sa liste de courses?
Il a fallu un tollé au Parlement allemand pour qu’enfin il s’exprime après qu’un des députés, Armin Laschet, ait déclaré dans un tweet:
Le chef de l’OLP aurait gagné la sympathie s’il avait présenté ses excuses pour l’attaque terroriste contre des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich en 1972. Accuser Israël de « 50 holocaustes » est plutôt le discours le plus dégoûtant jamais entendu à la chancellerie allemande
Otto Schultz a alors dû se resigner à dire que les mots employés ne décrivaient pas bien la situation, et enfin, il accepté ensuite d’ajouter qu’il était profondément indigné.

Je suis profondément indigné par les déclarations indicibles du président palestinien Mahmoud Abbas. Pour nous, Allemands en particulier, toute relativisation de l’Holocauste est intolérable et inacceptable. Je condamne toute tentative de nier les crimes de l’Holocauste

C’était vraiment le service minimum!
Les journaux français ont tous titré : Israel et l’Allemagne condamnent les propos de Mahmoud Abbas. Pourquoi seulement Israel et l’Allemagne? Eux non? Pour que le lecteur plus ou moins attentif se dise Bof! Encore une histoire de Juifs?
Heureusement, l’ancienne Miss Irak, Sarah Idan, refugiée aux USA a elle aussi tweeté : Mahmoud Abbas a également accusé Israël d’avoir commis « 50 holocaustes » contre les Palestiniens. Oui, vous avez bien entendu. 50 Holocaustes. Comprenez que votre cause repose sur un mensonge.
Il est sûr que l’ancienne Miss Irak n’a aucun poids politique mais ça fait quand même plaisir!

Mais qui est donc Mahmoud Abbas, terroriste propre sur lui?
Il est né en 1948 à Tsfat (Safed) en Galilée mais a grandi en Syrie où il a pu aller dans les meilleures écoles du régime Baas, affilié à Moscou. C’est aussi à Moscou qu’il a publié sa thèse de doctorat intitulée « La connexion entre les nazis et les dirigeants sionistes (1933-1945) ».
Assuré qu’elle deviendrait un best-seller, Mahmoud Abbas l’a republiée en Jordanie en 1984 et elle est disponible aujourd’hui sur le site internet officiel de l’Autorité palestinienne et de l’Organisation de libération de la Palestine.

(Couverture du livre en arabe, site du Yediot Aharonot)

Les Soviétiques ont accepté son manuscrit comme thèse de doctorat, bien que ses recherches ne contiennent que très peu de références et que les noms d’auteurs occidentaux ne soient même pas correctement orthographiés. Il faut dire que pour les dirigeants soviétiques, cette thèse était une aubaine car ils pouvaient ainsi justifier leur politique antisioniste-antisémite.
Dans sa thèse, Mahmoud Abbas soutient que l’intérêt du mouvement sioniste consistait à ne pas chercher à sauver les Juifs durant la guerre afin d’augmenter le nombre de morts et d’obtenir de ce fait de plus grandes compensations après la guerre . Il soutient aussi que le nazisme et le sionisme sont les deux faces d’une même idéologie car tous deux défendent l’idée d’une race pure.
En fait rien de nouveau dans sa thèse.
En 1930, le nazi Alfred Rosenberg avait déjà publié Le Mythe du 20ème siècle, un ouvrage qui tente de réduire l’histoire à une lutte de races et de démontrer la supériorité des Allemands sur les autres peuples. Bien plus tard, l’auteur antisémite Roger Garaudy utilisera le même argument pour montrer cette collusion et écrira: C’est sur cette idéologie de la race, qui leur était commune avec les nazis, que les dirigeants sionistes allemands entreprirent de négocier avec les Hitlériens.
En fait, la thèse de Mahmoud Abbas est une resucée des thèses antisémites classiques: Nous, les Juifs, nous dominons le monde dont nous accaparons la richesse, Israel est un QG du complot sioniste, la Shoah n’a pas existée mais elle a eu lieu (!) à cause de notre conduite innommable. Il n’y a eu presque pas de morts et nous avons amplifié les chiffres pour recevoir plus d’argent en compensation. Et il ajoute évidemment qu’il n’y avait pas d’antisémitisme dans le monde arabe*.
C’est ainsi que cette thèse figure sur le catalogue de la Vieille Taupe, haut-lieu des négationnistes français d’autant plus qu’Abbas y cite le meilleur et le plus sérieux spécialiste Faurisson de nombreuses fois pour appuyer ses dires. C’est que Faurisson a bonne presse dans les pays arabes* et surtout dans ceux qui ont recyclé nombre de nazis en leur donnant de hautes responsabilités dans leurs services de sécurité. Ainsi, le journal jordanien Al-Dustur écrit que  l’éminent historien  français, R. Faurisson, réfute catégoriquement et avec instance, dans une analyse scientifique claire avec des preuves irréfutables, l’existence des chambres à gaz et des fours crématoires pour brûler les cadavres. C’est une légende majeure que les Juifs ont créée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et que les médias alliés ont soutenue et diffusée.

Sur ces trois graphiques ci-dessous, il est possible de constater les évolutions de la population juive en Europe entre 1933 et 1945, l’épuration de la population juive dans les pays arobes entre 1948 et 2012 et l’évolution de la population palestinienne entre 1967 et 2012. Abbas connait ces chiffres qui démentent clairement ses affirmations propagandistes.

Mahmoud Abbas n’est que l’un des nombreux leaders antisémites du monde arabe qui continue à diffuser ces thèses. Et le monde dit libre ne bouge pas, détourne le regard.
Elie Wiesel disait: J’ai juré de ne jamais me taire quand des être humains endurent la souffrance et l’humiliation, où que ce soit. Nous devons toujours prendre parti. La neutralité aide l’oppresseur, jamais la victime. Le silence encourage le persécuteur, jamais le persécuté.
Mais avec les thèses négationnistes de Mahmoud Abbas et de ses amis, il ne s’agit plus seulement de soit se taire, soit parler, il s’agit d’un combat bien plus complexe puisque nous sommes totalement dans l’inversion des valeurs.
Mahmoud Abbas et ses pairs sont antisémites. Soit! Mais le silence à peine gêné des démocraties, qui se targuent de transmettre des valeurs morales, me surprend toujours. Non seulement, un terroriste comme Abbas peut raconter ce qu’il veut devant le Parlement allemand ou ailleurs, nous accuser de 50 holocaustes, dire qu’Israel est un pays où règne l’apartheid*. Le monde l’ecoute, presque sans piper mot et laisse ces mêmes thèses se propager dans les organisations internationales comme l’UNICEF;* Amnesty International, Human Rights Watch…
Il est vrai que depuis environ une soixantaine d’années, l’inversion de la vérité et de la réalité a été l’une des méthodes de propagande préférées des adversaires d’Israel. L’une de ses expressions les plus fréquentes a été l’accusation selon laquelle le peuple juif, victime des nazis, est devenu le nouveau nazi, agresseur et oppresseur des Arabes palestiniens. Les observateurs contemporains ont identifié cette méthode et l’ont décrite comme une « inversion de la réalité », une « astuce de confiance intellectuelle », « l’inversion de la responsabilité morale » ou une « logique tordue ». Parce que les ennemis d’Israël ont, pendant près d’un demi-siècle, répété de telles diffamations sans être contestés, ils ont progressivement gagné en crédibilité.
Il est vrai qu’après la chute de l’Union Soviétique et la dissolution du bloc de l’Est (1989-1991), on avait le sentiment que le monde était au seuil d’une nouvelle ère démocratique. Et avec la signature des accords d’Oslo (13 septembre 1993), beaucoup pensaient en fait que la propagande anti-israélienne cesserait. Le déni a peut-être joué un rôle, car la persistance d’une intense agitation anti-israélienne et antisémite représentait une « information gênante ». Attirer l’attention sur le problème devenait politiquement incorrect et parfois dangereux pour ceux qui souhaitaient progresser dans le monde académique.

Comme nos dirigeants étaient naïfs!
La propagande n’a pas cessé car en fait, elle ne dépend pas de ce que nous faisons mais de ce que nous sommes. Exactement comme dans pendant le troisième Reich, les Juifs étaient tués non pas à cause de leur religion (certains étaient même convertis au christianisme!), non pas à cause de leurs idées politiques ou de leurs richesses, ils l’étaient parce qu’ils étaient Juifs un point c’est tout!

Quant à Mahmoud Abbas, il a été accueilli avec enthousiasme à son retour d’Allemagne. Sur le site infos-israel.news*:
L’agence de presse officielle palestinienne Wafa rapporte: Notre peuple palestinien a reçu le président Mahmoud Abbas, ce soir, jeudi, avec une immense et solennelle réception, alors que les masses palestiniennes faisaient demi-tour aux abords de la route que le président a empruntée près de l’entrée nord de la ville d’Al-Bireh, revenant d’une visite officielle en Allemagne, pour confirmer ses positions qui ont été confirmées lors de son voyage, qui reflètent les aspirations et les rêves de notre peuple*…
Le secrétaire du Conseil révolutionnaire du mouvement Fatah, Majid Al-Fatiani, a déclaré que cette réception est une manifestation de loyauté envers Abou Mazen, qui a porté le message du peuple palestinien, ses préoccupations et son histoire avec toute l’audace et le courage, armé de la volonté du peuple et la mémoire nationale palestinienne, encore pleine de la criminalité sioniste. Il a poursuivi : Pourquoi les Israéliens sont-ils en colère ? Avons-nous été complices de leurs massacres ? Au contraire, ce sont eux qui nous ont noyés dans notre sang dans des dizaines de massacres en 74 ans.
Il a ajouté :  Le président a dit la vérité et l’a confrontée au monde 
À son tour, le secrétaire du mouvement Fatah à Ramallah, Muwaffaq Sahweil, a déclaré que le rassemblement est venu confirmer que tout ce que le président a déclaré dans son discours, ses déclarations et ses positions représentent le peuple palestinien

Oui, actuellement, les Palestiniens sont victimes d’apartheid, l’apartheid palestinien: 800 000 Arabes palestiniens sont détenus dans 27 camps dits de « réfugiés ». 600 000 dans 8 camps contrôlés par le Hamas à Gaza et 200 000 en Judée et Samarie. Ils végètent dans 19 camps contrôlés par l’OLP (Fata’h). L’ONU, le Hamas et le Fata’h refusent de réinstaller les populations de leurs camps d’apartheid dans les villages et les villes que le Fata’h contrôle en Judée-Samarie depuis 1995 et dans les zones contrôlées par le Hamas à Gaza depuis 2007. Et ceci sans parler de l’apartheid pratique à leur égard dans les pays arabes du Moyen-Orient.

(Collaboration entre le Fata’h, le ‘Hamas et les organisations internationales. Dry Bones)

Au cas ou vous auriez encore des doutes…

(Photo prise par Amihai Stein à Beit Umar, près de Hebron)

Alors, à ceux qui nous somment de faire la paix:
Avec qui pourrions nous négocier une paix ? Avec le Jihad islamique, le Hamas, l’Autorité palestinienne qui ne rêvent que de la destruction de notre pays ?
Les partisans de l’accord d’Oslo n’ont toujours pas répondu à cette question.

A bientôt,

* Sur l’attentat de Munich et la cruauté des terroristes:
https://www.nytimes.com/2015/12/02/sports/long-hidden-details-reveal-cruelty-of-1972-munich-attackers.html

*Plus tard dans les années 70 un soi-disant historien est-allemand, Polken, publiera un article dans le Journal of Palestine Studies un article retentissant intitulé « Les contacts secrets : le sionisme et l’Allemagne nazie, 1933-1941 », article dont le titre est très proche du livre de Mahmoud Abbas…

*Ce qu’on trouve dans les manuels scolaires palestiniens:
http://www.juif.org/antisemitisme-juif/241122,pas-seulement-un-lapsus-les-manuels-palestiniens-regorgent-de.php

*Sur les salaires des terroristes:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2019/02/14/terroriste-ca-paye-bien/

*Source infos-israel.news:
https://infos-israel.news/les-palestiniens-accueillent-abbas-avec-un-rassemblement-de-soutien-a-ses-propos-antisemites/
Version en arabe:
https://www.wafa.ps/Pages/Details/53465

*Sur l’apartheid en Israel:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2022/02/03/le-refrigerateur-%D7%94%D7%9E%D7%A7%D7%A8%D7%A8-et-lapartheid/

*Sur l’UNICEF et autres organisations soi-disant humanitaires:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2021/11/03/ces-o-n-g-que-nous-persecutons/

*Si vous voulez approfondir vos connaissances sur la situation des Juifs en pays arabes:
Les livres de Bat Yeor, l’une des premières à avoir expliqué ce qu’est la condition du dhimmi dans l’islam: Eurabia, l’axe euro-arabe, l’Europe et le spectre du Califat, le Dihmmi, profil de l’opprimé en Orient et en Afrique du Nord depuis la conquête arabe…
https://www.cairn.info/revue-pardes-2003-1-page-61.htm#
https://contrecourant1.wordpress.com/2009/05/03/document-la-ligue-arabe-et-letablissement-dun-statut-de-dhimmi-pour-les-juifs-en-palestine-mandataire/
http://danilette.over-blog.com/tradition-pogromiste-arabo-musulmane.html


Cratères et autres merveilles du Neguev

Si vous prenez la route pour Eilat depuis Jerusalem, ne longez pas la mer morte, passez par Beer Sheva, et continuez droit au Sud. Vous traverserez une étendue de steppe jusqu’à Sdé Boker* et soudain, vous pénétrerez dans le désert de Tsin. Nos ancêtres y sont passés en sortant d’Egypte. C’est même de là que Moshé envoya les premiers explorateurs espionner le pays de Canaan.
Ils montèrent donc et explorèrent le pays depuis le désert de Tsin jusqu’à Rehov, près de Levo-hamath. (Nombres 13:21).

Le paysage change brutalement. Ici plus de steppe mais un désert grandiose, accidenté à souhait.
Et c’est ainsi que vous découvrirez le מכתש רמון (Makhtesh Ramon), le cratère Ramon, l’un des trois cratères du Néguev*.

Ces cratères ne sont pas le résultat d’une quelconque activité volcanique ni de la chute d’une météorite, ils sont appelés cirques d’érosion karstique, ce sont des dépressions à parois abruptes circulaires ou ovales qui se sont formées au cours des millénaires.


Que s’est-il donc passé?
Il y a des millions d’années, le désert du Néguev était recouvert d’un océan. Lorsque la zone s’est asséchée, cet océan a laissé derrière lui une large dépression ovale, qui s’est creusée de plus en plus en son centre, là où les roches étaient les plus tendres. Le fond du cratère a continué à s’approfondir, Au fur et à mesure, d’avantages de couches anciennes sont apparues jusqu’à sa profondeur actuelle de 500 mètres. Sur une longueur de 40 km et une largeur de 9 km, le Makhtesh Ramon, avec ses fossiles et ses formations rocheuses est un paradis pour les géologues.

Une des parois au Sud est recouverte de fossiles d’ammonites:

(Photo Wikipedia)


Le point le plus bas du cratère, la source Saharonim est la seule source de la région.

Une variété incroyable de plantes poussent dans la région de Ramon, notamment des pistachiers de l’Atlantique, du nerprun, des pâquerettes, des tulipes et d’autres buissons et arbustes.
Quant aux animaux, les bouquetins, léopards, hyènes rayées, renards des sables, gazelles, vous ne les verrez pas tous mais eux vous regardent. Attention aux dromadaires des bédouins, laissés sans surveillance, il vous gêneront parfois sur la route.
Si vous êtes en forme, il existe de nombreux sentiers de randonnées, et vous pouvez même faire de la descente en rappel le long des parois. Mais, n’oubliez de prendre de l’eau (beaucoup d’eau) et de dire à vos proches où vous allez, le désert est magnifique mais aussi dangereux. Si vous n’êtes pas aventureux, un guide vous emmènera faire un tour d’environ deux heures dans sa Jeep.
Et si vous pouvez le visiter au début du mois d’aout, le Makhtesh Ramon est l’endroit idéal pour observer les étoiles, vous pourrez aussi utiliser l’observatoire du mont Ramon qui culmine à 1037 mètres.

(L’observatoire George S. Wise, premier président de l’Université de Tel Aviv)

Vous aurez droit aussi à une pluie de météores qui sont les débris du nuage perséide. Le Makhtesh Ramon a été reconnu officiellement comme le premier parc étoilé du Moyen-Orient.

(Pluie de météores. Photo Alex Savenok)

Levez vous à l’aube pour admirer les nuages glisser le long des falaises

Le désert du Néguev a toujours été habité: la tribu de Simon s’y était installée et le roi David y avait fait construire un certain nombre de places-fortes pour protéger le pays des attaques égyptiennes. Son fils, le roi Salomon continuera son œuvre et établira toute une chaine de forteresses le long des routes.
A la chute du royaume de Yehouda, les Nabatéens tribus nomades et commerçantes, établissent leur capitale à Petra en Jordanie. Ils utiliseront et entretiendront ces forteresse pour protéger leurs caravanes chargées d’épices, caravanes qui parcouraient tout le Moyen-Orient.
C’est ainsi que dans le Makhtesh Ramon, tout près de la source Saharonim, se trouvent les restes d’une forteresse nabatéenne, le Khan Saharonim.  Au cours des fouilles menées par l’archéologue Rudolf Cohen en 1982, furent découvertes des pièces nabatéennes du premier siècle de l’ère chrétienne et des pièces de monnaie romaines à l’effigie des empereurs Antonin le Pieu, Commode et Caracalla et qui datent donc des deuxième et troisième siècles de l’ère chrétienne.


Le mot Ramon vient de l’arabe raman qui signifie romain. Et pourtant, ce fut bien avant la présence romaine que les Nabatéens, qui avaient occupé la région, ont construit routes et forteresses, comme le Khan Saharonim.
Dans un des mes articles, La peste et les pépins de raisin* je mentionnais les effets d’une grande épidémie de peste qui fit disparaitre la population du Néguev au 5 ème siècle de l’ére chrétienne. En voici à nouveau un extrait:

« Les universités de Tel Aviv, Bar Ilan et Haïfa et l’Autorité des Antiquités Israéliennes ont publié une large étude sur les effets de la peste qui frappa l’empire byzantin au milieu du 6ème siècle de l’ère chrétienne et qui fit des ravages suffisants pour affecter l’économie d’Eretz Israel jusqu’à la période moderne.
Ils se sont intéressés en particulier à un certain nombre de sites archéologiques du Néguev qui fut une région prospère dans l’Antiquité et complètement désertée par la suite. Les villes de ‘Halutza, Avdat, Rehovt Haneguev, Mamshit, Nitzana ont toutes disparu il y a environ 1500 ans sans qu’on y ait découvert des traces de combats ou d’incendie.
Pour comprendre ce qui avait bien pu se passer, les archéologues se sont donc penchés sur les poubelles de ces sites.  Tout d’abord leurs fouilles et analyses ont montré que la région n’était pas du tout désertique à cette époque. Une importante population y vivait de la culture de la vigne. L’analyse des  tessons de poterie, d’os d’animaux, de graines révèlent ce que fut l’activité humaine selon la datation de ceux-ci. Ce qu’on appelle l’archéo-botanique nous fait entrer dans le garde-manger (par les poubelles!) de personnes dont nous ne savons pas grand chose. Ce n’est pas une entreprise facile. Il faut tamiser de grandes quantités de sédiments pour en extraire les précieuses graines. Le professeur Ehud Weiss explique que, ce faisant, il pensait sans cesse à ce verset:
וְשַׂמְתִּי אֶת-זַרְעֲךָ, כַּעֲפַר הָאָרֶץ: אֲשֶׁר אִם-יוּכַל אִישׁ, לִמְנוֹת אֶת-עֲפַר הָאָרֶץ–גַּם-זַרְעֲךָ, יִמָּנֶה
Je transformerai ta descendance comme la poussière de la terre, si quelqu’un peut la compter alors ta descendance sera prise en compte. (Genèse- Bereshit 13,6)
Dans le cas présent, il s’agit de près de 10 000 graines de vigne, de blé et d’orge qui furent extraites de 11 tas d’ordures à ‘Halutza, Shivta et Nitzana et analysées dans le laboratoire de l’université de Bar Ilan.
La qualité de notre travail dans notre laboratoire de l’université Bar Ilan, unique en Israel, repose sur l’analyse précise de la collecte nationale des semences trouvées sur les sites de fouilles archéologiques d’Israel, a déclaré le professeur Weiss.
Ce qui a particulièrement intéressé les chercheurs, ce fut le nombre impressionnant de pépins de raisins récoltés. Ceci confirmait  les nombreuses mosaïques représentants vignerons et jarres de vin, ainsi que les nombreux ostraca de jarres.

(Photo, Université Bar Ilan: mosaïque byzantine)

On savait déjà, grâce aux fouilles que les paysans du Neguev savaient capter l’eau de ruissellement et irriguer intelligemment leurs champs. On sait maintenant qu’ils étaient passés d’une agriculture purement vivrière à une agriculture intensive, spécialisée dans le vin qu’ils exportaient jusqu’en Grande-Bretagne et au Yemen. Des textes byzantins  les mentionnent sous le nom de Vin de Gaza, du nom du port d’expédition le plus proche sur la Méditerranée et en font l’éloge.
Vu le nombre de tessons de jarre, on peut aussi en déduire que la deuxième industrie de la région était celle de la poterie …
Mais les biologistes  ont découvert aussi autre chose dans les sédiments analysés: des restes du bacille Yersina Pestis, bacille de cette peste nommée peste de Justinien et qui sévit pendant une quarantaine d’année dans la région. Cette épidémie de peste sera suffisamment importante pour anéantir économiquement toute la région et la dépeupler.

Les villes de Nitsana,

(Themarker Cafe)

Avdat,

(Wikipedia)

Mamshit,

(Wikimedia Commons)

et Rehovot Haneguev dont il ne reste presque rien, disparaitront ainsi que celle de Soussia, au confins du désert, au sud des monts de ‘Hevron*. »

(Soussia, blog Sabresim)


Lorsqu’enfin, l’épidémie s’arrêtera, le Néguev sera devenu désertique et les nouveaux conquérants, les nomades arabes ne s’y fixeront pas.
L’agriculture de la région ne s’en relèvera pas jusqu’à nos jours. Elle y est à nouveau présente, comme ces vignes dans la région du Makhtesh Ramon.

(Les vignes appartiennent aux Caves Nana, blog Trip Advisor)

A bientôt,

*Sde Boker:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sde_Boker*

*La peste et les pépins de raisins:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2021/01/10/la-peste-et-les-pepins-de-raisins/

*Soussia:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2017/12/22/le-chemin-des-patriarches-2/

*Les cratères: il n’y a que 5 cratères de ce genre dans le monde, deux se trouvent dans le Sinaï. En Israel, outre le Makhtesh Ramon, on en trouve deux autres: le Grand Cratère (plus petit pourtant que le Makhtesh Ramon) situé près de la ville de Yeruham et le Petit Cratère entre Beer Sheva et Dimona.

Une lettre d’amour pour Tou Beav

Sur cette photo, Eliezer ben Yehouda a l’air préoccupé uniquement par la rédaction de son dictionnaire. Il est vrai qu’il y consacrait toute son énergie. Mais il lui fallait en plus aussi lutter contre la médiocrité et la bassesse de certains groupes extrémistes de Jerusalem qui s’opposaient à la modernisation de l’hébreu.

Nous avons tous oublié que la guerre des langues n’a pas été qu’une bataille intellectuelle mais qu’elle a pris parfois des tournures dramatiques.
Les opposants à l’utilisation de l’hébreu, langue des prières, à des fins quotidiennes et triviales ne décoléraient pas face à l’enthousiasme de la jeune génération de pionniers, souvent non-religieux. Ces opposants eurent même recours à de faux témoignages adressés aux Turcs pour discréditer Eliezer Ben Yehouda, témoignages qui auraient pu lui couter la vie, les Turcs n’étant vraiment des tendres.
En 1893, le journal הצי (Hatzvi) publia un article écrit par le beau-père de Ben Yehouda, Shlomo-Naftali Herz-Yonas, et dont le titre était Les mitsvot ont besoin d’une intention. C’était pendant la semaine de Hanoukah et le beau-père de Ben Yehouda, qui voulait simplement louer l’héroïsme des Makabim, écrivait : Dans cette génération aussi nous avons besoin d’un nouveau Yehouda Makabi qui sache : לאסוף חיל ללכת קדימה, rassembler une armée pour aller de l’avant. Comme dans la plupart des langues, en hébreu le mot חיל (‘heil) force, ne s’emploie pas forcément dans un sens militaire. Mais les opposants les plus extrêmes à Ben Yehouda utilisèrent cet article, déclarant au Turcs qu’il s’agissait ni plus ni moins d’un appel à la révolte armée et plus que ça, que l’expression aller de l’avant devait être comprise comme une volonté de conquête des territoires à l’est, c’est à dire démanteler l’empire et conquérir la Turquie. Rien de moins!
Comme je le disais, les Turcs n’étaient pas des tendres et ne faisaient pas dans la nuance. Ils envoyèrent donc Ben Yehouda en prison sans jugement.
Heureusement Ben Yehouda avait des amis influents qui arrivèrent à convaincre un juge d’autoriser un procès.
La veille du procès, Eliezer écrivit une longue lettre à sa femme Hemda* dont le nom signifie charmante ou désirable.

(Eliezer et Hemda en 1913)

Ma Hemda, ma compagne, ma vie, mon âme et esprit.
Demain est le jour du jugement. Mon cœur me dit, mon espérance est forte, que les juges verront par eux-mêmes qu’un vain complot a été ourdi contre moi par mes ennemis, et qu’ils me libèreront.
J’ai l’impression que c’est ma dernière nuit à la prison, demain à cette heure nous serons ensemble à la maison. Comme je vais t’embrasser, ma chère petite, comme je vais t’embrasser ma douce épouse !
Comme la prison m’est douce cette nuit, cette cellule m’est devenue chère tant je pense, à la douceur de nos retrouvailles demain !
Mais, ma chère épouse Hemdati (ma délicieuse), après tout, personne ne sait ce qui naîtra demain. Une légère exception pourrait entraîner une certaine confusion, un petit retard, et cela suffirait à me renvoyer en cellule pendant quelques jours.
Nous devons toujours être prêts à accepter le mal avec courage, ainsi qu’il convient à des personnes telles que nous, à une femme telle que toi.
Et donc, ma douce, malgré tout notre espoir d’être enfin réunis demain à la maison, nous devons nous préparer au pire.
Ne désespérons pas, soyons forts en sachant que c’est à cause de notre travail en faveur de notre peuple que nos ennemis se sont regroupés contre nous et ont ourdi ce complot

Le savoir nous suffit pour tout supporter et tout endurer avec courage et entrain. Et donc, ma chère épouse, sois forte et courageuse. Sache que si tu es calme moi aussi je serai calme. Je sais que si tu surmontes tous ces chagrins et que tu restes en bonne santé, moi aussi je trouverai la force de souffrir pour que nous puissions ensuite être ensemble et j’aurai la force de m’atteler à nouveau à notre grand projet et d’être un précurseur pour le bien de notre peuple.
Je vais t’embrasser ma douce petite et t’embrasse encore.

A leur grande joie, le juge décida alors de libérer Eliezer Ben Yehouda sous caution. Enfin, le 2 mars 1894, l’appel de Ben-Yehuda est jugé à Beyrouth et il est acquitté le 7 mars. Le gouverneur de Jerusalem se fera cependant tirer l’oreille pour autoriser à nouveau la publication du journal incriminé Hatsvi, qui n’aura lieu qu’en 1895.

Ce soir, nous fêterons Tou Beav*. J’aurais du intégrer à mon article, une chanson d’amour mais nul ne sait si Eliezer Ben Yehouda en écrivait. Mais l’amour qu’il portaient tous deux à l’hébreu, Hemda et lui, m’a fait me souvenir de celle-ci, intitulée Eliezer Ben Yehouda, et interprétée par Chava Alberstein:

Comme les prophètes qui brûlaient pour Dieu, lui il brûlait pour les verbes, adjectifs et noms
Et sa lampe brûlait encore à sa fenêtre à minuit, il notait dans son dictionnaire le mot fil de fer singulier et pluriel, des jolis mots, des mots qui volent, qui roulent sur la langue,

Eliezer quand iras tu dormir? L’hébreu qui a attendu des milliers d’années, peut encore attendre demain.
Eliezer Ben Yehouda, un juif inventif, les mots, les mots et encore des mots, jaillissaient de son cerveau enfiévré.
Si l’hébreu comptait deux mille mots*, Eh bien quoi, Réveillons-nous et prenons l’initiative: fer à repasser, bombe, mobilier!

Du bout de sa plume, d’une écriture rapide, il écrit tout, tout le dictionnaire Ben Yehouda, il rajoute encore des mots, les crée, sa plume rapide ne se repose pas…
Et la langue a grandi et ne s’est pas reconnue dans le miroir, ne s’est pas reconnue à l’arrivée de l’aube
Un fils lui naquit, et l’homme dit ainsi: Je l’appellerai Itamar Ben Yehuda, mon fils aîné,
Depuis son enfance depuis le jour de sa Brit Mila jusqu’à sa mort, Itamar Ben Avi* s’attacha à l’hébreu, et il guerroya contre les langues étrangères,
Itamar était un bel homme, grand comme un palmier et de beau visage et la langue qu’il parlait était une langue ancienne, Itamar Ben Avi, son père était prophète, un homme selon mon cœur

Hemda et Eliezer Ben Yehouda aura 6 enfants, dont 4 survivront. Parmi ses descendants se trouve le journaliste et critique culinaire Gil Hovav*

A bientôt,
*Hemda ben Yehouda (1873-1951) était extrêmement douée: elle réussit une carrière de journaliste et d’écrivain tout en étant d’une grande aide pour son mari, qui lui était obnubilé par son dictionnaire.
Pour l’anecdote: En 1891, sa sœur aînée Deborah, la première épouse d’Eliezer Ben-Yehuda et mère d’Itamar, meurt de la tuberculose à Jérusalem. Quelques semaines plus tard seulement, Ben-Yehuda s’empressa de demander Hemda en mariage, affirmant que c’était le souhait de Deborah avant sa mort. Hemda passa outre les craintes de son père qui craignait à la fois la différence d’âge de quinze ans entre les deux mais aussi la tuberculose dont souffrait Eliezer, maladie qui avait déjà causé la mort de sa fille ainée.
Le nom de ‘Hemda est intéressant car il est aussi l’un des noms donné à Eretz Israel, pays de délices:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2021/01/28/une-terre-tant-desiree-les-noms-disrael/
*Gil Hovav:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2014/01/09/les-boulettes-de-la-victoire/
*Itamar Ben Yehouda (1882-1943): il prit le nom de Itamar Ben Avi, Itamar, fils de mon père, à la mort de ce dernier. Il est l’auteur d’une livre traduit en français: Le rêve traversé

*L’hébreu de la Bible: Dans la Bible, il y a environ 7000 entrées lexicales hébraïques (et environ 1500 racines) ainsi qu’environ un millier d’entrées en araméen et de nombreux noms propres de personnes et de lieux.

*Tou Beav ou le quinze du mois de Av: la fête des amoureux
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2012/07/29/le-mois-de-av/
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2015/07/31/lettre-damour-davshalom-feinberg/

Tisha Beav 2022: à l’ombre des missiles

Une cruche en verre magnifiquement ouvragée de la période du Second Temple, maintenant fondue et brisée, témoigne de sa destruction cataclysmique – et aussi de la splendeur de la période qui a précédé sa destruction. Pour marquer Tisha BeAv, le Musée Israel vous présente certains de ces témoins silencieux: des découvertes archéologiques vieilles de 2 000 ans, une peinture du maître baroque, François Poussin, des objets rituels juifs enveloppés de noir, en signe de deuil… Et nous rappelle cette phrase insolite de Napoléon*, prononcée alors qu’il était entré dans une synagogue le jour de Tisha Beav et avait vu les Juifs assis par terre en train de prier et se lamenter sur la destruction du Temple. Il avait alors dit: Un peuple, capable de se souvenir et de pleurer encore une destruction qui a eu lieu il y a plus de 1700 ans, un tel peuple a un avenir assuré.

Et même si ce Tisha BeAv a lieu à l’ombre des missiles tirés par le Jihad Islamique et même si certains Arabes israéliens manifestent ici et là aux cris de « Nous suivrons ton chemin Ya Jabari*, nous voici ici, revenus à Jerusalem, notre capitale et en Israel notre pays…
Il y a plus de quarante ans, Ehud Manor composa cette chanson, pour nous réconforter après la guerre de Kippour, elle convient aussi à ce jour de Tisha BeAv:
Renaitre chaque matin et mourir à chaque adieu, mettre au monde encore un fils, encore une fille au pays du lait, de l’amertume et du miel. Marcher à tes côtés, respirer le soleil brulant, te rêver face au ciel, te faire mal et retomber amoureux. Porter en nous un rêve, des feux de joie, chercher du réconfort dans tes sources, vivre sur et dans la terre, c’est une chose terrible mais belle. L’écho de notre voix montera dans le soir, un jour il viendra pour nous libérer quand ta paix se déploiera sur nous l

A bientôt,

PS A propos de ce qui se passe en ce moment, lisez l’article éclairant de Pierre Lurçat:
http://vudejerusalem.over-blog.com/2022/08/dome-d-acier-ou-mur-de-fer-force-et-faiblesse-d-israel-face-a-gaza-pierre-lurcat.html

*Les Arabes rappellent ainsi le nom d’un des chefs du Djihad Islamique de Gaza que nous avons éliminé la semaine dernière

*Napoléon partageait les préjugés de ses contemporains à notre égard (on le voit dans les questions posées aux Juifs lors de la constitution du Sanhedrin). Pour lui, nous devions renoncer à être un peuple et n’être plus que les adeptes d’une religion. Pourtant, lors de sa campagne d’Egypte, et après avoir rencontré des Juifs de la Palestine ottomane, il avait songé à créer un état juif indépendant, d’autant qu’il voulait faire de Hayim Farhi son allié contre les Turcs*. C’est en tout cas ce qui ressort d’un article du journal Le Moniteur Universel, qui déclare le 22 mars 1799, que Napoléon se referait aux Juifs comme les héritiers légaux de la terre d’Israel

*Hayim Farhi, conseiller du gouverneur de la Galilee:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/tag/hayim-farhi/


L’insulte faite à l’Arabie

J’ai traduit et résumé une interview de Mordekhai Kedar* que je trouve particulièrement intéressante.  Le titre de mon article est celui que lui a donné Kedar : l’insulte faite  à l’Arabie.
Cet article traite de deux évènements récents dont l’un au moins est a peu près passé inaperçu mais est aussi important que le premier, en tout cas pour nous.
Le premier, c’est la visite de Joe Biden en Arabie.
Pourquoi? Biden est arrivé blue eyes en Arabie, persuadé d’être en terrain ami. Ce qu’il n’avait apparemment pas intégré c’est le fait que les Saoudiens ont la mémoire longue et n’ont pas oublié ce qui est pour eux une trahison et une offense :
Il y a deux ans, Biden a déclaré publiquement que l’Arabie était responsable (et en particulier MBS personnellement) du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi* à Istamboul et a dévoilé pour le coup les résultats des enquêtes des services secrets américains. En agissant ainsi, il leur a fait honte publiquement et une telle honte est restée en travers de la gorge des Saoudiens. De plus, les Saoudiens se souviennent de Biden, alors vice-président du gouvernement Obama en 2015 au moment de l’accord avec l’Iran et des milliards transférés aux Iraniens alors que tout le monde savait que cette argent servirait aux terroristes pro-iraniens et en particuliers aux Houthis du Yemen qui bombardent régulièrement l’Arabie, à tel point que les journaux saoudiens de l’époque avaient écrit : Les Américains nous ont jeté sous les roues d’un autobus.
Il faut comprendre que se trouvent face à face deux mondes complètements différents l’un de l’autre. Voici par exemple ce qu’écrivait à ce sujet en 2015, Bandar ben Saoud, qui fut pendant 30 ans ambassadeur aux USA. Il se souvenait de ce qui lui avait confié Henry Kissinger des années auparavant: Kissinger avait déclaré: Les ennemis des USA devraient avoir peur de l’Amérique mais leurs amis encore plus. C’était une phrase de mise en garde de la part d’un homme qui avait compris que chaque culture fonctionne différemment
Les Américains, comme tous les Occidentaux, sont adeptes de la realpolitik et quelques soient leurs déclarations d’amitié, personne n’est dupe*. Comme le dit Kedar, les Saoudiens fonctionnent encore avec la culture du désert, qui oblige tous les membres d’une même tribu à une loyauté sans faille car tout est danger autour d’eux, aussi bien la nature que les hommes. Cette conception de la loyauté est tellement ancrée en eux qu’ils considèrent très sérieusement que certaines choses ne se font pas entre alliés et ceci bien qu’ils soient eux aussi adeptes quand cela les arrange d’une certaine realpolitik!
Or, que vient faire Biden?
Il vient quémander. Lorsqu’il demande aux Saoudiens d’augmenter leur production de pétrole pour en faire baisser les cours sur le marché, il le fait essentiellement pour que les élections du Mid-Term en novembre prochain ne soient pas catastrophiques pour les démocrates et donc pour lui. Mais qu’est ce que les Saoudiens ont à y gagner? Economiquement rien, et de plus toute augmentation de la production du pétrole rapproche l’Arabie du moment où les pompes saoudiennes seront vides, alors que pendant le même temps, les Américains se montrent conciliants avec l’Iran. encourageant les Houthis à harceler l’Arabie : ils se souviennent de l’attaque des réservoirs de pétrole de l’Aramco*, attaque qui n’a pas fait sourciller les USA mais causé des dommages économiques importants aux Saoudiens.
Biden est donc rentré chez lui sans accord, Les Saoudiens ont dit qu’ils verraient ça avec l’OPEP et que l’OPEP décidera, comme si personne ne savait que le pays le plus influent de l’OPEP était l’Arabie !

Chez nous, il s’est passé un incident de bien moins grande importance mais qui monte à quel point cette élite auto-proclamée agit de manière contre-productive partout où elle sévit, y compris ici en Israel.
Il y a quelques semaines, la chaine 13 de la télévision israélienne a produit le reportage d’un de ses journalistes, Gil Tamari. Gil Tamari a cru de bon ton d’aller à la Mecque, déguisé, se faisant passer pour un musulman. Il s’est filmé, selfies en tous genre, pour montrer au monde entier quel héros il était d’avoir dupé la police saoudienne.

(Le sourire imbécile d’un irresponsable; photo Israel-infos)

Il faut se souvenir que la Mecque est une ville sainte et interdite aux non-musulmans*.

Je ne suis pas l’avocat de l’islam, dit Kedar, des critiques contre l’islam, j’en ai depuis mon bureau jusqu’à la Mecque et en tant qu’orientaliste je serais ravi de pouvoir y travailler à des recherches, mais de quel droit ne pas respecter les croyances des autres. Comment voulez-vous que les Saoudiens respectent les nôtres si nous méprisons les leurs. Vous ne pouvez pas aller en Arabie vous réjouir face à la camera du fait que vous les avez trompés et espérer qu’ils respecterons Jerusalem et le Mont du Temple*.

Et cette action d’éclat pour quel résultat journalistique?
Aucun! Gil Tamari n’a rapporté aucun reportage intéressant. Ce qu’il voulait c’est démontrer à ses copains combien il avait été plus malin que les Saoudiens. SI la chaine 13 avait vraiment voulu faire un reportage sur la Mecque elle aurait pu y envoyer un de ses journaliste musulmans qui aurait pu y travailler. Mais non il n’en était pas question car nous sommes là dans le domaine du religieux, domaine que les imbéciles de la soi-disant élite balayent de leur pied car il n’entre pas dans leur champ de vision.
L’ennuyeux c’est qu’en Arabie, le politique et le religieux sont intimement liés puisque le roi est le garant des lieux saints (et toute la ville de la Mecque est un lieu saint). Chaque année il investit des milliards dans les infrastructures et sa légitimité vient de ce titre. Pourquoi seulement de ce titre? Parce que les ibn Saoud ne sont pas de la Mecque mais de Riyad. En fait, Tamari et ses selfies montrent au monde entier (et surtout au monde arabe) que le roi n’est même pas capable de protéger les lieux saints.
Et ceci à un moment où nous essayons de construire des liens avec ce pays, et ce n’est pas sans de nombreuses difficultés car ce qui nous rapproche, l’Arabie et nous, c’est notre ennemi commun l’Iran! Mais là encore rien n’est joué car si les Saoudiens comptent un peu sur notre aide, ils viennent en même temps d’essayer de se rapprocher de l’Iran suite à l’inaction (vue comme une traîtrise) des Américains !
De plus, si Gil Tamari s’était fait prendre, nous aurions du le sortir de là. Et à quel prix ? Nous aurions dû libérer combien de terroristes, avaler combien de couleuvres. Et il est sûr que toute cette coterie irresponsable aurait manifesté en ce sens. J’entends déjà les slogans de cette chorale : il est des nôtres ! Le gouvernement est obligé ! etc…
Et son chauffeur saoudien, y a t-il pensé? J’ai lu qu’il avait été arrêté par la police saoudienne il y a deux jours*.

Gil Tamari devrait présenter ses excuses d’une manière plus appropriée. En 1997, un soldat jordanien avait tiré sur des adolescentes israéliennes en excursion et en avait tué neuf. Pendant la semaine de deuil, le roi Hussein de Jordanie, lui, était venu offrir ses condoléances aux familles endeuillées.

Ne devrions nous pas au moins retirer sa carte de presse à Tamari et aussi sanctionner le directeur de la chaine 13, en espérant que les Saoudiens ne nous chercheront pas noise dans quelque temps ?
La seule chose positive pour nous est que, contrairement aux USA, nous ne sommes pas encore des alliés de l’Arabie Saoudite – il n’y a donc pas traitrise – nous en sommes loin. J’espère que les Saoudiens comprendront que, contrairement à ce qui se passe chez eux, les médias ici, sont totalement libres et que chacun peut s’exprimer même pour dire des bêtises et qu’ils feront la différence entre la trahison d’un allié et l’imbécilité d’un fâcheux sans cervelle.

A bientôt,

* Source en hébreu:
https://www.youtube.com/watch?v=SY_po6jEqBQ&ab_channel=AlexTseitlin

* Jamal Khashoggi:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jamal_Khashoggi

* Les républicains comme les démocrates fonctionnent selon les mêmes règles. Quant aux démocrates musulmans comme Rashida Tlaib ou Ilhan Omar, elles sont affiliées aux Frères Musulmans ennemis de l’Arabie, donc peu leur chaut

* Interdiction de la Mecque aux non-musulmans: Pour les musulmans le domaine du sacré est réservé aux musulmans ceci a contrario de la pensée juive. C’est ainsi qu’on peut lire sous la plume du prophète Isaïe: Ma maison sera dénommée Maison des prières pour toutes les nations (Isaïe 56, 7). Les synagogues sont ouvertes à tous et le Temple était lui aussi ouvert aux non-Juifs. il est vrai que les non-Juifs ne pouvaient pas apporter de sacrifices sauf pour Soukot où étaient offerts 70 taureaux pour les 70 nations. Quant aux synagogues, elles sont ouvertes à tous.

*Sur l’affirmation par le monde musulman que Jerusalem est la troisième ville de l’islam:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2020/08/18/jerusalem-une-ville-sainte-pour-lislam-1-3/
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2020/08/20/jerusalem-une-ville-sainte-pour-lislam-2-3/
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2020/08/23/jerusalem-une-ville-sainte-pour-lislam-3-3/

* Les réactions saoudiennes:
https://infos-israel.news/arabie-saoudite-les-autorites-ont-arrete-le-chauffeur-qui-a-aide-le-journaliste-gil-tamari-a-entrer-a-la-mecque/

Uri Tzvi Grinberg

A la mémoire d’Igor Byalsky* (1949-2022), poète, traducteur, enseignant, directeur de la section russophone du Bei Uri Zvi et auteur d’un livre sur Uri Zvi Grinberg en russe: Uri-Zvi Grinberg. A propos de Dieu, à propos du monde, à propos de notre temps.

En 1999, Guéoula Cohen* inaugurait  le centre Uri Zvi Grinberg, ou Maison du patrimoine d’Uri Zvi Grinberg en tant que centre culturel et éducatif dédié à la création, à l’étude et à la pensée juive telle qu’elle s’exprime dans l’héritage de ce poète. Guéoula Cohen n’était pas poète mais elle avait voulu honorer un ami, celui qu’elle appelait son מפקד (mefaked), son commandant, le poète Uri Zvi Greenberg.
Avant de vous parler du travail de Greenberg, je me permets de glisser un souvenir personnel. Alors que j’étais adolescente, j’avais découvert Guéoula Cohen en lisant son livre Les souvenirs d’une jeune fille violente, où elle raconte ses années de lutte contre le gouvernement britannique:

(Geoula Cohen, a la radio du LEHI*)

Pendant les années de guerre, Guéoula avait dû se teindre en blonde pour échapper aux Anglais. Peu après la proclamation de l’état d’Israel, elle entre chez un coiffeur, et lui dit : Noirs, je les veux noirs ! Elle ferme les yeux jusqu’à ce ce que le coiffeur termine son travail, se regarde alors dans le miroir :
Tiens Guéoula, te voilà enfin, me dit le miroir
– Oui, c’est bien moi, lui ai-je répondu
Guéoula était redevenue Guéoula et les Juifs pouvaient être enfin eux-mêmes ! Plus que la lecture de ses actions courageuses, ce furent ces premières phrases du livre qui me marquèrent profondément et installèrent en moi un sionisme qui ne m’a jamais quitté.

Dans une de ses dernières interviews, elle racontait qu’elle lut pour la première fois un poème de Grinberg alors qu’elle avait été condamnée à 9 ans d’internement par les Anglais, enfermée dans une prison pour femmes à Bethlehem. Ses lettres étaient lues et ses colis fouillés mais la mère de Guéoula savait dissimuler dans les moindres coutures le  courrier  important pour sa fille et ses camarades.. Et c’est ainsi qu’un poème de Grinberg arriva à la prison de Bethlehem, écrit très fin sur du papier toilette et caché dans un pot de confiture. Ce poème était intitulé : Une seule vérité et pas deux. Il fut rapidement appris par cœur par les prisonnières:
Vous avez appris qu’une terre s’achète avec de l’argent. On achète un papier qu’on enterre avec une houe.
Et moi je vous dis : aucune terre ne s’achète avec de l’argent. Une houe c’est pour creuser et enterrer les morts. Une terre est conquise par le sang et seulement dans ce cas, le peuple pourra dire : elle est mienne. C’est seulement celui qui y fait y passer le canon, qui peut faire passer la charrue sur la terre qu’il a conquise.
On vous a enseigné : le Mashiah viendra dans les générations futures et Yehuda (Juda) ressuscitera et ceci, sans feu ni sang, il reviendra à la vie grâce à chaque plantation et chaque maison construite.
Et moi je vous dis: si vous retardez votre entreprise sans en sentir ni l’urgence ni les battements de l’horloge du temps, sans combats et sacrifices, il ne viendra pas, ceint du bouclier de David, et ne viendront pas non plus les chars de ses chevaux. Le Mashiah ne viendra pas non plus dans une lointaine génération et Yehuda (Juda) ne se relèvera pas.
Vous avez été corvéables à merci pour chaque conquérant, vos maisons seront comme paille aux yeux de chaque scélérat qui coupera vos arbres fruitiers. Vos ventres seront tranchés dans la détresse. La valeur d’une jeune homme sera celle d’un bébé pour l’épée de l’ennemi et seul restera votre bavardage, le vôtre, vos comités d’infamie dans les bibliothèques et vous serez maudits jusqu’à ce que vos têtes soient coupées.
Vos rabbins vous ont appris qu’il y a une vérité pour les nations: le sang appelle le sang, et je vous dit : il n’y a qu’une vérité et pas deux. De même qu’il n’y a qu’un soleil et pas deux Jerusalem. Elle est écrite dans les ordres de conquête de Moshé et Yoshua
(Conquête de Canaan) et ceci jusqu’au dernier des rois d’Israel et du Lion (de Juda) blessé, vérité que deux exils et des traîtres ont fait disparaitre.
Toute l’oeuvre de Grinberg est empreinte de cette idée que nous étions tout au bord de l’ère messianique et que le Mashia’h n’a pas pu venir nous délivrer car le mouvement sioniste s’est embourbé dans des querelles stériles et a laissé passer l’occasion.

Mais en fait qui était Uri Tzvi Grinberg et comment de tels textes, pleins de bruit et de fureur, ont ils pu être écrits?

Grinberg (1896-1981) est né dans une famille hassidique, dans le village de Bilikamin tout près de Lvov en Galicie orientale.
Il commença à écrire en yiddish, puis en yiddish et en hébreu, pour continuer uniquement en hébreu, comme le firent les milliers de Juifs d’Europe de l’est qui passèrent d’un continent à un autre, d’un monde culturel à un autre.
Au début, sa poésie était douce et mélancolique, empreinte de ferveur pour les paysages dans lesquels il contemplait l’empreinte divine.
Mais la réalité ne lui laissa pas le temps de rêver. Lui qui se sentait proche des mouvements ouvriers, se sentit trahi lors des pogroms de 1905 où les mêmes petites gens qu’il défendait assassinèrent des Juifs. Suivirent les horreurs de la premier guerre mondiale. Lors du pogrom du 21 au 23 novembre 1918, il échappe de justesse à la mort alors que plusieurs de ses proches sont assassinés par la populace. Il écrit alors le Royaume de la croix où il explique que les Juifs n’ont plus de place en Europe.
Il s’installe alors en 1923 en Eretz Israel qui pour lui représente l’antithèse de l’Europe où les Juifs sont à la merci des populations chrétiennes. Il écrit alors que ce n’est que dans son propre pays, un pays juif, que le Juif pourra à nouveau être maitre de son destin. Pour lui, Eretz Israel est un pays de non-retour.
Au début, il a des sympathies pour les Arabes à qui il dédie un poème en yiddish : Je veux élever une supplique au peuple arabe d’Asie : Venez et conduisez nous au désert, si pauvres que nous soyons...
Mais il doit déchanter après les pogroms de 1920. Dans un article destiné au Congrès Sioniste de 1923, et en réaction notamment aux propositions de Weizman prônant un accord avec les Arabes dans le cadre de la Déclaration Balfour, il écrit ceci:* Le sionisme ne sera pas sauvé tant qu’il n’aura pas atteint le niveau d’un mouvement fondamentalement guerrier, tant qu’il n’aura pas choisi le droit d’être dominant, même sans parti ou diplomatie. 
Suite aux émeutes arabes de 1929, il rejoint le parti révisionniste fondé par Vladimir Zeev Jabotinsky*, ce qui lui vaudra d’être boycotté par les dirigeants du yishouv qui essayent de louvoyer sans fâcher ni les Britanniques, ni les Arabes.
Ses écrits sont déjà pleins de cette angoisse qui ne le quittera plus.
Pour nous qui le lisons actuellement, c’est aussi une découverte de ces évènements dramatiques qui ponctuèrent la vie des Juifs d’Europe et d’Eretz Israel, une liste sans fin de drames dont on parle peu car ils ont été occultés par la Shoah. Mais il faut se souvenir qu’uniquement en 1929, les pogroms en Palestine mandataire entraîneront la mort de 133 Juifs et des centaines de blessés, mais aussi l’abandon par les Juifs de certaines localités ou quartiers où leur présence numérique était trop faible pour permettre une organisation efficace de l’autodéfense.
Grinberg ne supporte plus l’inactivité des Juifs du Yishouv et fonde en 1931 le Brit HaBirionim , l’alliance des voyous, une faction clandestine qui prône la lutte contre les Britanniques et les nazis de Palestine*. C’est ainsi que les membres du groupe perturbent un recensement parrainé par les Britanniques, font sonner le shofar en prière au Mur occidental malgré une interdiction britannique*, organisent et arrachent les drapeaux nazis des bureaux allemands de Jérusalem et de Tel-Aviv. Pour les Britanniques qui arrêtent des centaines de ses membres, ils deviennent l’ennemi numéro un et c’est sans doute la raison pour laquelle certains seront arrêtés après le meurtre du dirigeant sioniste de gauche Hayim Arlozoroff*.
Bien que les accusations se soient effondrées, Uri Tzvi Greenberg repart en Pologne en tant que représentant du parti révisionniste. Ses textes de cette époque sont tout à fait prophétiques. Il décrit ce qu’il va arriver aux Juifs d’Europe, il parle des gaz empoisonnés, des exécutions de masse, des pendaisons. Il est malheureusement peu écouté et se sent impuissant.
Dans son livre Les rues de la rivière qui date de 1931, l’un des poèmes s’intitule Sur l’ile du sous-sol et met en scène deux Juifs qui se croient les seuls survivants et vivent comme des taupes dans les profondeurs de la terre.

Aujourd’hui ce livre est partie intégrante de la littérature sur la Shoah mais quand Bialik l’a lu, il a été profondément choqué.

En outre, plus le temps passe, plus ceux qui commencent à songer au départ voient les portes se fermer devant eux. Les visas sont de plus en plus délivrés au compte-goutte, en particulier ceux pour la Palestine. Uri Tzvi Grinberg ne pourra même pas sauver sa propre famille qui sera entièrement exterminée ainsi que tous les autres Juifs. Il ne reste rien de la synagogue et du cimetière de Bely Kamin.

(Il ne reste rien du cimetière juif de Bely Kamin. Toutes les pierres tombales ont été volées pour des divers travaux et construction. Photo Joe Hirshfeld 2006. International jewish cemetery project)

Grinberg rentre en Palestine en 1939. Il est à nouveau une figure publique, bien que boycottée par les dirigeants du yishouv sous l’influence du parti travailliste. C’est là qu’il deviendra le poète des combattants de l’Underground. Dans son livre Accusation et foi, il prévoit ce que sera la guerre des Juifs pour leur survie, ici, en Palestine mandataire: Je vois d’épaisses prisons, des pendaisons… Je vois ceux qui chantent, ceux qui vont à leur pendaison dans l’aube de Jerusalem.
Il écrit encore et encore sur les même thèmes, mû par une force désespérée qu’il ne contrôle pas. Ainsi il l’écrit en 1940: Je voudrais écrire des choses différentes mais ma main et ma plume en décident toutes seules. J’ai peur. Et si tout ce que je prédis était faux?

Ill se qualifie lui-même de בן שברח (ben shebara’h), de fils qui a fuit, tant le souvenir de ses proches assassinés le submerge. Il n’est pas qu’un poète-prophète en colère, il est aussi un homme que hantera toujours le souvenir de sa famille assassinée.

Il écrira de très beaux poèmes sur sa mère. Dans Ma mère et la rivière. Ill rêve de sa mère, jeune fille aux cheveux roux, il la décrit douce et pleine d’entrain, nageant dans une rivière d’eau pure et dans un paysage idyllique d’arbres fruitiers. Mais dans la dernière strophe, elle n’est plus qu’un corps ensanglanté tué par un Allemand, gisant au bord de cette même rivière
Dans son livre Les rues du fleuve, Uri Zvi rencontre encore et encore sa mère décédée. Elle revient dans sa vie dans diverses et étranges incarnations, et dans chacune d’elles, ses apparitions sont terrifiantes et effrayantes.
Enfin, dans le poème Le poète et sa mère au milieu de leur peuple, la mère revient dans le rêve de son fils. Leur rencontre, comme dans ses plus beaux et meilleurs souvenirs, a lieu au puits. La mère assassinée déplore que son fils qui a prophétisé toutes les horreurs de la Shoah au lieu d’être comme tous les hommes, n’ait pas épousé une belle femme et vécu sa vie.
Et c’est ce qu’il fera en 1950. Il épousera la poétesse Aliza Gurevitch (Tur Malka de son nom de plume), elle aussi combattante du LEHI.

La proclamation de l’état d’Israel, le laissera amer car, comme il l’avait écrit: Comme il n’y a qu’un soleil, il ne peut pas avoir deux Jerusalem.
Bien plus que d’être le prophète qui a vu avant bien d’autre la destruction des Juifs d’Europe et l’homme hanté par l’extermination de sa propre famille, Grinberg est surtout amoureux de Jerusalem. Lorsque Jerusalem est coupée en deux, il transforme son démembrement géopolitique en une métaphore riche en significations psychologiques et métaphysiques. Ses poèmes sur Jerusalem sont le reflet d’une âme nationale divisée et du besoin de réunion. Les poèmes pointent vers une situation où l’esprit est séparé de l’émotion, le pragmatisme déconnecte l’identité nationale de ses racines irrationnelles et la volonté de vivre va à l’encontre de la volonté d’exister. Et là encore, il sera visionnaire: 
Jerusalem était, est et sera, porte de la royauté des cieux. Dans les tons sepia de son paysage viendront s’agenouiller ses ennemis. Vers elle nous reviendrons membres endoloris, du début du Gi’hon* à la capitale dans les montagnes, et alors nous sentirons nos artères devenir des cordes qui chanteront un poème sur le cher seuil maternel.

Il reviendra dans ses écrits sur ce thème encore et encore et ce n’est que 19 ans plus tard, après la guerre des 6 jours, qu’il pourra être apaisé.
En 1967, suite à la guerre des Six Jours, Uri Zvi Greenberg est l’un des signataires de la proclamation « למען ישראל השלמה », pour un Israel entier, aux côtés de Natan Alterman, S.Y. Agnon, Moshe Shamir, Haim Hazaz, Yehuda Burla, Israel Eldad, Zvi Shiloah et de nombreuses autres personnalités culturelles et publiques dont certaines appartenaient au mouvement travailliste.
Bien que dans les premières années de l’État, Uri Tzvi Grinberg souffrait encore du boycott institutionnel, même ses opposants politiques les plus virulents ont reconnu la grandeur de son œuvre poétique et ont progressivement obtenu la reconnaissance officielle de son statut comme l’un des piliers de la poésie hébraïque. Il reçoit le prix Israël de littérature en 1957, le prix Neuman de littérature décerné par l’université hébraïque de Jerusalem en 1965 et un doctorat honoris causa décerné par l’université Bar Ilan en 1977.

Le poète Bialik était un grand admirateur d’Uri Tzvi Grinberg. Il avait écrit à son sujet: Si un poète parvient à escalader les murs, il pourra voir bien au-delà et c’est ce qu’il fit. Et c’est son opposant politique le plus intransigeant, David Ben-Gourion, qui lui a décerné le titre de poète-prophète.

Uri Zvi Greenberg est décédé le 9 mai 1981 soit le 5 Iyar 5741, le jour de l’Indépendance d’Israel. et a été enterré sur le mont des Oliviers.

A bientôt,

* Igor Byalsky était aussi le père d’Andreï Byalsky, commandant du bataillon Les lions de Judée.
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2016/08/25/le-devoir-avant-tout/

* Guéoula Cohen (1925-2019), nom de code Ilana, membre du Lehi dont elle était la voix à la radio, puis femme politique, membre du parti Herut de Menahem Begin. Elle a été aussi journaliste du Maariv et a eu une émission à Kol Israel. Elle a épousé un ancien compagnon du Lehi, Emanuel Hanegbi (Adam dans ses mémoires) et est la mère de Tsa’hi Hanegbi, membre du parti Likoud.
https://lehi.org.il/en/cohen-geula/

* Les organisation de défense juives: La Haganah est un groupe d’autodéfense juive créé en 1920 à Jérusalem à la suite des pogroms menés par les populations arabes. Vladimir Jabotinsky y participera. Il fera scission en 1931, à la suite des pogroms de 1929-1931 et de l’influence grandissante des groupes de gauche et créera la Haganah nationale. Les pogroms de 1936 conduiront Jabotinsky à se démarquer complètement de la Haganah et n’appellera plus son groupe que Irgun Tzvaï Leumi (organisation militaire nationale). Apres le début de la deuxième guerre mondiale, Vladimir Jabotinsky, dont l’influence sur l’Irgoun est devenue très théorique (et qui meurt en 1940) , pousse à arrêter les opérations armées, au nom de la priorité à la lutte contre le nazisme. Un des membres, Avraham Stern s’y oppose et fondera le LEHI (les combattants pour la liberté).

* Vladimir Jabotinsky:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2021/12/25/vladimir-zeev-jabotinsky/

* La situation des Juifs pendant le mandat britannique et le meurtre de Hayim Arlozoroff:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2016/02/29/desarrois-juifs-dans-lentre-deux-guerres/
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2016/06/17/des-livres-blancs-mais-pas-tres-propres/
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2015/09/25/le-groupe-clandestin-des-souffleurs-de-shofar/

* Les nazis en Palestine:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2015/11/13/les-nazis-en-palestine-dans-les-annees-30/

* La source du Gi’hon:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Source_de_Gihon

Les horloges de Jerusalem


En Israel, les horloges intéressantes ne sont pas très nombreuses car le pays a quand même connu près de 2000 ans d’abandon. La plupart datent du 19ème siècle seulement. Certaines ont disparu comme celle que les Anglais ont détruite à la porte de Yafo. Elle avait été construite par les habitants de la ville en 1907 en l’honneur du sultan Abdul Hamid II, il n’en reste que des photos:

Malgré tout, j’en ai retenu deux.
L’horloge fleurie qui se trouve aux abords de la Knesset:

Et celle qui se trouve sur la façade conservée de l’ancienne école Talitha Koumi*:

Mais ce que nous avons à foison, ce sont les quadrants solaires.

Le plus ancien a été retrouve a Qumran, sur les bords de la mer morte. Il a un peu plus de 2000 ans et se trouve actuellement au Musée Israel. En pierre comme l’indique le nom que lui donnait la Mishna: אבן השעות (even hashaot), la pierre des heures.

J’ai aussi retenu ceux qui se trouvent sur le dôme du Rocher (ou dôme d’Omar). Le premier date de 1807:

(Photo Efrat Assaf)

Et le deuxième fut érigé en 1927, après le tremblement de terre:

(photo Reouven Milon)

On en trouve un rue Yafo, tout près de Ma’hane Yehouda, celui-ci date de 1908. Il a été construit par le rabbin Moshe Shapira, de Mea Shearim, un autodidacte qui a appris les bases de l’astronomie dans les livres du Rambam (Maimonide) et du Gaon de Vilna. De tous les cadrans solaires qu’il a construit sur les frontons de diverses synagogues, c’est le seul qui subsiste. C’est un demi-cercle de 5 m de diamètre avec des lignes de division toutes les cinq minutes. Selon la méthode inventée par Shapira, ce n’était pas l’ombre qui marquait le temps, mais un rayon de lumière qui pénétrait par un trou à l’extrémité du mât au-dessus du cadran et marquait des points de connexion lumineux. La connexion de ces points, en lignes tout au long de la journée et tout au long de l’année, a créé un cadran très précis. Au-dessus du cadran solaire, deux horloges mécaniques standard ont été installées pour les jours d’hiver où le soleil est caché. L’une indique l’heure européenne (selon l’heure du méridien de Greenwich) et l’autre l’heure locale de Jérusalem.

D’autre cadrans ne sont pas fixés sur des murs mais posés sur le sol.
Ainsi celui de la Bibliothèque Nationale qui trouve sur une de ses belles pelouses:

Un autre se trouve dans le jardin Beit Elisha, rue Eliezer Hamodai:

Un autre à Givat Ram sur le campus de l’Université Hébraïque:


Le temps ou plutôt sa mesure dans la civilisation hébraïques est particulière.
Tout d’abord, l’acte UN de Dieu (et non pas le premier) fait émerger non seulement le Cosmos mais aussi le temps qui ponctue les créations. Le temps entre alors dans le monde des hommes par le shabbat, le septième jour de la création, celui où, comme nous le disons, מקדש ישראל והזמנים, Dieu sanctifie Israel et les temps ce qui signifie dans la tradition juive : Il met à part Israel et les temps.
Les temps, zmanim ? Oui parce que le mot זמן (zman), le plus courant pour désigner le temps, signifie aussi dans la tradition juive un évènement heureux. Par exemple nous appelons Pessa’h זמן חרותנו (zman ‘heroutenou), le temps de notre liberté, et Shavouot est le זמן מתן תורה (zman matan Thora), le temps du don de la Thora.
Bien que Dieu nous ait offert le temps lors du premier shabbat, le 7ème jour de la création, il nous a laissé la responsabilité de le diviser, le mesurer, bref de l’ajuster à notre condition humaine. Ainsi ce sont les hommes qui ont été chargés de fixer le calendrier sans que Dieu ne s’en mêle.
Comme ce sont les hommes qui fixent la mesure du temps זמן (zman), ce sont eux qui ont décidé des מועדים (moadim), c’est à dire des moments, définis et fixés à l’avance.
En effet, Dieu dit:

Les temps du Seigneur que vous proclamez seront des dates de convocations saintes, tels sont mes temps (Vayikra-Levitique 23,2)
מוֹעֲדֵי יְהוָה, אֲשֶׁר-תִּקְרְאוּ אֹתָם מִקְרָאֵי קֹדֶשׁ–אֵלֶּה הֵם, מוֹעדים

Phrase que la Guemara explique ainsi  : Je n’ai d’autres fêtes, d’autres que celles que vous, Juifs, décidez de célébrer. Mes dates sont les vôtres!
Le mot מועד (moed) désigne aussi la tente, אוהל מועד (Ohel Moed), qui se trouvait au milieu de notre campement lors de nos pérégrinations dans le désert. Ohel Moed est traduit en français par tente d’assignation puisqu’Aaron et se fils y étaient assignés, ils y officiaient tous les jours.

(Reconstitution du Ohel Moed dans le parc Timna*)

Le mot מועד (moed) est aussi lié aux périodes de célébrations puisqu’on parle du חול המועד (hol hamoed)* de Pessah et de Shavouot. Dans ce cas, il s’agit des jours non fériés qui se situent au milieu des deux fêtes de Pessa’h et Soukot.
Nous l’employons aussi parfois pour dire au revoir: Que nous nous rencontrions seulement pour les jours de joie et d’allégresse et les bons moments מועדים טובים (moadim tovim).
Le מועדון (moadon) est un club, endroit où on se détend, et lui aussi dérive de מועד (moed).
Parfois cependant, le mot moed a perdu sa connotation joyeuse: les étudiants passent leurs examens lors d’une première date fixée par l’université, le מועד א (moed aleph) qui peut être suivi d’un מועד ב (moed bet) s’ils ne sont pas satisfaits de leur première note et même d’un מועד ג (moed gimel) dans le cas où, malades, ils n’ont pas pu se présenter à l’un des deux examens.

D’autres mots encore définissent une mesure du temps. Tout le monde connait les parole du texte de Kohelet, l’Ecclesiaste, au chapitre 3, qu’écrivit le roi Salomon*:

II y a un temps pour tout, et chaque chose a son heure sous le ciel.
לַכֹּל, זְמָן; וְעֵת לְכָל-חֵפֶץ, תַּחַת הַשָּׁמָיִם

Dans ce premier verset, sont employés deux mots: זמן (zman), mot générique et עת (‘et) que le traducteur a traduit par heure et qui est un laps de temps limité d’une durée non définie, un moment.

(Ce cadran illustre ce verset de Kohelet. Rubik Rosenthal)

Ce mot et peut aussi parfois signifier le destin comme il est écrit, toujours dans Kohelet (9 12):
L’homme ne connaît même pas son heure
כִּי גַּם לֹא-יֵדַע הָאָדָם אֶת-עִתּוֹ

Et puis, il y a עידן (‘Idan), qui est un mot d’origine araméenne, employé dans le Tanakh dans le livre de Daniel (2.8) dans une phrase qui est toute en araméen*:

le roi répliqua: « Je sais parfaitement que vous voulez gagner du temps »,
עָנֵה מַלְכָּא, וְאָמַר–מִן-יַצִּיב יָדַע אֲנָה, דִּי עִדָּנָא אַנְתּוּן זָבְנִין

Ce mot עידן (idan) signifie aujourd’hui une ère, comme par exemple עידן הקרח (idan hakera’h), l’ère glaciaire. L’expression m’est devenue très familière après avoir vu et revu le dessin animé du même nom avec mes petits enfants.

Ce que nous mesurons en fait, ce sont les cycles. On retrouve cette idée d’un renouvellement régulier dans le mot année, שנה (shana) qui vient de la racine ש.נ.ה (SH.N.Hé) qui signifie recommencer, répéter et qui a donné le mot Mishna, la répétition par écrit de la Loi orale. On la retrouve aussi dans le mot חודש (‘hodesh), un mois, dont la racine signifie se renouveler. Les mois du calendrier hébraïque sont aussi appelés ירחים (yera’him, les lunes parce qu’ils sont lunaires* et nous permettent de nous repérer dans le calendrier hébraïque simplement en observant l’état de la lune.

(Pleine lune à Mitzpe Ramon, photo Shlomi Tova)

De l’année, du mois, nous passons à la semaine dont le nom שבוע (shavoua) vient de la racine ש.ב.ע (SH.V.Ayin) qui représente le chiffre 7 mais signifie aussi rassasier. Il est écrit dans le livre Divrei Hayamim (les Chroniques 29,28) au sujet du roi David que:

Il mourut dans une heureuse vieillesse, rassasié d’années, de richesses et de gloire
וַיָּמָת בְּשֵׂיבָה טוֹבָה, שְׂבַע יָמִים עֹשֶׁר וְכָבוֹד

Y a-t-il un rapport entre une semaine et le fait d’être rassasié? Je ne sais pas mais je me dis que peut-être, qu’à la fin de la première semaine, celle de la création, Dieu a été rassasié de son œuvre et c’est pour cela qu’il a terminé son ouvrage par le septième jour, celui du repos, le shabbat.

Nous arrivons maintenant au mot יום (yom), le jour, lui aussi issu de la Thora et employé des le début du texte de la Bereshit (Genèse) lors de l’évocation des sept jours de la création.
Il faut cependant savoir que dans notre tradition, les jours commencent la veille au coucher du soleil.

Ci-dssous, une vidéo d’un spectacle donné par le chanteur Idan Amdi, au prénom prédestiné. Il interprète Hayom, ce jour, une chanson d’Ehoud Banaï, en compagnie du trio Ma Kashur.

Aujourd’hui nous ferons quelque chose de mémorable, qui nous laissera un souvenir joyeux, aujourd’hui je vais caresser tes cheveux, aujourd’hui je vais enfin te faire sourire, que tu ne vois plus la tristesse. Je rendrai ce jour le plus heureux de ta vie. Aujourd’hui tu entendras ce que tu n’as pas encore entendu, quelque chose de nouveau et un clin d’œil complice, je te préparerai quelque chose de délicieux, ferai tout pour que tu te sentes à l’aise. C’est vrai je ne montre pas toujours mon amour mais aujourd’hui je te veux proche de moi. Cela fait si longtemps que nous n’avons pas parlé de ce que nous vivons, aujourd’hui allons nous promener dans le quartier, nous asseoir un moment sur un banc du jardin. Aujourd’hui nous ferons quelque chose de mémorable qui nous laissera un souvenir joyeux

Les racines des mots soir et matin ערב (erev) et בוקר (boker) sont liées à notre capacité visuelle. La racine du premier ע.ר.ב (E.R.V) signifie mélanger, il souligne notre difficulté à voir clairement dans les brumes du crépuscule. Bien sûr, il s’agit aussi de notre discernement intellectuel et de notre sens critique et à contrario, de notre incapacité intellectuelle: lorsque nos idées sont confuses, nous les mélangeons.

Celle du mot בוקר (boker) B.K.R, signifie discerner, critiquer, mais aussi visiter. Elle nous renvoie à notre capacité à distinguer les hommes dans la lumière du matin et à les relier entre eux.

(Petit matin dans la vallée du Jourdain; photo Doudi Nesher)

Une expression très curieuse me vient à l’esprit: בין השמשות (bein hashmashot), littéralement entre les soleils. C’est ainsi qu’on appelle la période entre le crépuscule, le coucher du soleil*, la lumière du jour et l’apparition des étoiles et de la lune, la lumière de la nuit.

Enfin, nous arrivons au mot heure, שעה (shaa), qui lui aussi vient de l’araméen. Dans la littérature talmudique, une heure est un moment d’une durée limitée mais pas forcément de 60 minutes comme c’est le cas aujourd’hui.
Il est aussi employé dans les expressions comme בשעה טובה (beshaa tova) que l’on dit à une future mère: que tu aies une bonne (facile) heure, que la naissance se passe bien!

Vous connaissez sans doute שעת הנעילה (shaat haneila), l’heure de clôture, l’heure de clôture de Yom Kippour où les prières sont toujours chantées joyeusement. Mais pour les Israéliens, elle est aussi le titre d’une série télévisée shaat haneila (traduit en anglais et en français par la vallée des larmes) sur la guerre de Kippour:

Si vous avez eu le courage de lire toutes mes explications, délassez-vous en regardant la vidéo ci-dessous, un reportage sur la magnifique collection d’horloges et de montres, la collection Sir David Salomons* qui se trouve au musée de l’art islamique de Jerusalem.

A bientôt,

* Ecole Talitha Koumi: école luthérienne fondée au 19 ème siècle par des missionnaires allemands. Elle a été démolie en 1980 mais sa façade, dessinée par l’architecte Conrad Schik, a été conservée. Elle se trouve au début de la rue King George.

* ‘Hol hamoed:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2013/03/30/tout-est-en-ordre/

* Le livre de Kohelet: Les sages l’attribuent au roi Salomon, les linguistes qui ont examiné la langue du rouleau et le monde qu’il représente pensent que le livre est bien plus tardif, de l’époque d’Esdras et de Néhémie et des membres de la Grande Assemblée, et n’a pas été écrit par une seule personne .

* L’araméen:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2021/02/09/larameen/

* Sir David Salomons (1851-1925) fut avocat et homme de science, passionné d’horlogerie. Il laissa à sa mort à l’institut L.A. Mayer du musée d’art islamique de Jerusalem, sa collection de montres et d’horloges dont la plupart sont des inventions du fabricant français Abraham-Louis Breguet.
Il est aussi le neveu de Sir David Salomons (1797-1873) qui lutta pour l’émancipation des Juifs au Royaume-Uni.