Comme vous le savez, le mot Israel se réfère souvent à l’état d’Israel.
Avant la création de l’état, et aussi maintenant lorsqu’on ajoute à ce mot un trait d’affection, le pays est appelé ארץ ישראל (Eretz Israel), pays ou terre d’Israel. Au cours des siècles, l’expression Eretz Israel a toujours été présente et a ému les populations juives. Palestine était employé par les non-juifs ou par les juifs qui faisaient référence à cette province ottomane et plus tard britannique. Eretz Israel était le lieu magique, où coule le lait et le miel promis par la Thora.
Une expression révèle toute la place affective que tiennent ces quelques milliers de km2 dans le cœur des Juifs: l’amour d’Israel, אהבת ישראל (Ahavat Israel), s’exprime non seulement en tant que commandement divin, concrétisé dans tous les actes importants de la vie, mais aussi d’une manière bien plus séculaire dans la littérature juive, la poésie, les romans… Cette expression Ahavat Israel a été largement utilisée pour encourager les Juifs à l’aliya, y compris dans les mouvements sionistes non religieux.
Les pionniers étaient imprégnés de cette tradition qui nous explique que la terre est désolée, tant que son peuple se trouve en exil. Pour faire cesser cette malédiction, il faut que les Juifs reviennent pour la travailler. Alors seulement elle donnera des fruits.
Comme l’écrivait le prophète Ezechiel (chap36, 8):
Et vous, montagnes d’Israël, vous donnerez votre frondaison et vous porterez votre fruit pour mon peuple d’Israël, car ils sont près de revenir.
וְאַתֶּם הָרֵי יִשְׂרָאֵל, עַנְפְּכֶם תִּתֵּנוּ, וּפֶרְיְכֶם תִּשְׂאוּ, לְעַמִּי יִשְׂרָאֵל: כִּי קֵרְבוּ, לָבוֹא
(Amandiers près de Rosh Pina)
Un des premiers chants que les enfants apprennent au jardin d’enfant est La terre d’Israel et belle et florissante.
Eretz Israel est belle et florissante. Qui a construit et qui a planté? Nous tous ensemble!
Ce principe fondamental du lien entre le peuple juif et sa terre explique pourquoi pendant tous ces siècles d’exils nous avons prié pour la pluie en automne-hiver et la rosée au printemps-été. Nous avons étudié les lois agricoles concernant la terre d’Israel alors que nous en étions très loin.
(Haïfa, plantation d’arbres, Davar, photo Yossi Zeliger)
Eretz Israel est aussi appelée ארץ חמדה (Eretz ‘Hemda), terre de désir qui exprime encore mieux le rapport amoureux des Juifs avec leur terre: elle est belle, vertueuse, délicieuse et désirable et peu importe si on n’y trouve que déserts, marais et malaria, elle est ainsi.
(Collines autour de Jerusalem)
Et ainsi:
Cette expression, terre désirée, se trouve plusieurs fois dans les livres des prophètes.
Dans le livre de Jérémie, chap 3 verset 19, Dieu réfléchit:
Et je pensais en moi-même: « Comme je veux te faire une place parmi mes enfants et te donner un pays de délices, un patrimoine, magnifique entre tous, parmi les nations! »
אָנֹכִי אָמַרְתִּי, אֵיךְ אֲשִׁיתֵךְ בַּבָּנִים, וְאֶתֶּן-לָךְ אֶרֶץ חֶמְדָּה, נַחֲלַת צְבִי צִבְאוֹת גּוֹיִם
Le prophète Zacharie (& 14) reprend en plus cette idée de désolation lorsque nous sommes en exil.
Je les ai dispersés parmi tous les peuples qu’ils ne connaissaient point, et le pays a été désolé derrière eux, abandonné par tout allant et venant. Ainsi ils ont fait d’un pays délicieux une solitude. »
וְאֵסָעֲרֵם, עַל כָּל-הַגּוֹיִם אֲשֶׁר לֹא-יְדָעוּם, וְהָאָרֶץ נָשַׁמָּה אַחֲרֵיהֶם, מֵעֹבֵר וּמִשָּׁב; וַיָּשִׂימוּ אֶרֶץ-חֶמְדָּה, לְשַׁמָּה
Et là les hébraïsants noteront que le mot נשמה ne désigne pas la neshama (l’âme) mais vient de la racine שממ (SH.M.M) qui veut dire désolation. Elle revient par deux fois dans le verset pour marquer le fait que celui qui dédaigne la terre d’Israel peut causer de grands torts à tout le peuple. Ainsi, après la sortie d’Egypte, le peuple sera puni pour avoir écouté les explorateurs qui lui déconseillaient d’entrer en terre promise. Le dédain des explorateurs est ainsi exprimé dans le Psaume 100,14:
Puis ils montrèrent du dédain pour un pays délicieux, n’ayant pas foi en sa parole
וַיִּמְאֲסוּ, בְּאֶרֶץ חֶמְדָּה; לֹא-הֶאֱמִינוּ, לִדְבָרוֹ
Mais désirée et désirable, l’est-elle seulement pour nous?
Déjà dans les midrashim de l’époque du Talmud, nos Sages nous parlent d’un désir négatif pour ce pays, d’une obsession des peuples désireux de nous en chasser. Que dire de tous ceux qui se sont succédés pour nous empêcher d’y revenir à la suite du grand exil du 2 ème siècle*? Ou de ceux qui ont accepté du bout des lèvres que cette terre soit un asile, un camp de réfugiés, mais nous ont dénié le droit d’y décider entièrement par nous mêmes?
Nous voyons ceci encore maintenant dans les nombreuses condamnations mensongères de l’ONU et du soi-disant Conseil des Droits de l’Homme où siègent les pires dictatures alors que des millions de gens sur terre sont victimes de véritable discrimination, apartheid, violences en tous genres.
Parmi tous ceux qui contestent notre droit à vivre librement sur notre terre et de décider par nous mêmes, certains n’ont sans doute pas l’intention de nous nuire mais ils sont formatés à cette pensée que les Juifs n’ont pas le droit de former une nation. Le meilleur exemple qui me vient à l’esprit est la suite de la fameuse phrase du général De Gaulle: les Juifs peuple d’élite, sûr de lui et dominateur. De Gaulle craint que les Juifs n’en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles: l’an prochain à Jerusalem.
Traduction personnelle de cette phrase: Les souhaits ça va, les prières aussi, le folklore juif on aime bien, mais de grâce, restez tranquille là où vous êtes, ne nous cassez pas les pieds avec vos idées folles de sionisme et d’indépendance !
Mais comme nous avons la nuque raide et la tête dure (a yiddishe kop-la tête juive-comme on dit en yiddish) nous en avons décidé autrement car une connexion charnelle nous lie à ce pays. Elle se traduit par l’expression ארץ צבי (Eretz Tsvi), la terre du cerf, symbole de gloire, beauté et vivacité. Le prophète Isaïe (4, 2) écrivait ainsi:
En ce jour, la plante du Seigneur sera revêtue d’éclat et de splendeur, et le fruit du pays fera l’orgueil et la gloire des restes d’Israël.
בַּיּוֹם הַהוּא, יִהְיֶה צֶמַח יְהוָה, לִצְבִי, וּלְכָבוֹד; וּפְרִי הָאָרֶץ לְגָאוֹן וּלְתִפְאֶרֶת, לִפְלֵיטַת יִשְׂרָאֵל
Qui dit grandeur dit aussi héros et héroïsme. Ce mot Tsvi signifie aussi le héros, orgueil du pays. Comme il est écrit dans l’élégie du roi David sur la mort de Shaoul et de Yonathan:
Oh! L’orgueil d’Israël! Le voilà gisant sur les hauteurs! Comme ils sont tombés, les vaillants! (2 Samuel 20,19)
הַצְּבִי, יִשְׂרָאֵל, עַל-בָּמוֹתֶיךָ, חָלָל: אֵיךְ, נָפְלוּ גִבּוֹרִים
Le célèbre chant ci-dessous (qui fut aussi une musique de film) a été composé en l’honneur des soldats israéliens partis délivrer les otages juifs à Entebbe.
בַּחֲצִי הַלַּיְלָה הֵם קָמוּ וְהִכּוּ בִּקְצֵה הָעוֹלָם כִּבְנֵי רֶשֶׁף חָשׁוּ הִרְחִיקוּ עוּף לְהָשִׁיב אֶת כְּבוֹד הָאָדָם
אֶל אֶרֶץ צְבִי אֶל דְּבַשׁ שְׂדוֹתֶיהָ אֶל הַכַּרְמֶל וְהַמִּדְבָּר אֶל עַם אֲשֶׁר לֹא יֶחֱשֶׁה שֶׁאֶת בָּנָיו לֹא יַפְקִיר לְזָר, אֶל אֶרֶץ צְבִי שֶׁבְּהָרֶיהָ פּוֹעֶמֶת עִיר מִדּוֹר לְדוֹר אֶל אֶרֶץ אֵם לְטַבּוּרָהּ קְשׁוּרִים בָּנֶיהָ בְּטוֹב וּבְרַע.
אֶל אֶרֶץ צְבִי אֶל דְּבַשׁ שְׂדוֹתֶיהָ אֶל הַכַּרְמֶל וְהַמִּדְבָּר אֶל עַם אֲשֶׁר לֹא יֶחֱשֶׁה שֶׁאֶת בָּנָיו לֹא יַפְקִיר לְזָר, אֶל אֶרֶץ צְבִי שֶׁדִּמְעוֹתֶיהָ נוֹשְׁרוֹת עַל שְׂדֵה חַמָּנִיּוֹת שֶׁעִצְּבוֹנָהּ וּשְׂשׂוֹנָהּ הֵם שְׁתִי וָעֵרֶב בְּבֶגֶד יוֹמָהּ
Ils se sont levés au milieu de la nuit pour pour frapper à l’autre bout du monde,
Pour éloigner les étincelles de douleur* et rendre à l’homme sa dignité.
Vers le pays de Tsvi-Israel, vers le miel de ses champs, vers le Carmel et le désert
Vers le peuple qui n’abandonne pas ses fils en pays étranger,
Vers le pays de Tsvi-Israel où bat dans les montagnes le cœur d’une ville, de génération en génération.
Ses fils, liés au pays-mère pour le meilleur et le pire.
Au milieu de la nuit, le sharav* souffle dans nos champs,
Un saule silencieux inclinera sa tête en l’honneur de celui qui n’est pas rentré à l’aube.
Vers la terre d’Israel dont les larmes tombent sur les champs de tournesol où tristesse et joie sont entrelacées comme les fils de sa robe*
Pendant la deuxième guerre du Liban en 2006, un officier des Golani a sacrifié sa vie en sautant sur une grenade pour sauver celle de ses soldats. Il s’appelait Roï Klein.
Un dernière strophe a été ajoutée en son honneur:
כְּשֶׁהִפְצִיעַ שַׁחַר בָּאֹפֶל הוּא חִלֵּץ פָּצוּעַ מֵאֵשׁ כְּשֶׁהֻשְׁלַךְ רִמּוֹן בְּגוּפוֹ סוֹכֵךְ לְהַצִּיל חַיִּים הוּא בִּקֵּשׁ
אָז אֶרֶץ צְבִי – אֶת דִּמְעוֹתֶיהָ אֶל מוּל קִדּוּשׁ הַשֵּׁם כָּבְשָׁה וּכְשֶׁקָּרָא שְׁמַע יִשְׂרָאֵל הָרוּחַ חֶרֶשׁ אֶת שְׁמוֹ נָשָׂא
רוֹעִי ה’ יִשְׁמֹר עָלֶיךָ עַל תֹּם דְּרָכֶיךָ עַל עֻזְּךָ עַל אֶרֶץ צְבִי – שֶׁנִּשְׁמָתְךָ שְׁזוּרָה לָנֶצַח בְּבֶגֶד יוֹמָהּ
Quand l’aube a jailli de l’obscurité, Il a sauvé un blesse du feu,
Quand il a couvert de son corps la grenade, ce fut pour sauver des vies.
Le pays d’Israel a refoulé ses larmes face au sacrifice ultime.
Quand il a dit: Shema Israel! Le vent doucement a élevé son nom.
Roï, que Dieu te garde pour la simplicité de ton chemin, pour ta force, pour le pays d’Israel.
Ton âme est tissée pour toujours dans sa robe.
Ma petite fille Omer s’intéresse beaucoup à ce que j’écris. Elle a approuvé mon texte et m’a dit: Tu sais, tu peux rajouter qu’en plus de la nuque raide et de la tête dure, nous sommes d’une nature optimiste: tous les ans à Tou Bishvat, nous fêtons le renouveau de la nature alors qu’elle est encore endormie!
Cette année, nous fêterons Tou Bishvat sans promenades ni plantations mais l’année prochaine nous retournerons nous promener.
(hoshvilim.com)
A bientôt,
* Mes articles sur les générations oubliées. Voici le premier d’une série de neuf:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2013/06/24/les-generations-oubliees-1/
* Opération Entebbe:
https://www.idf.il/fr/minisites/guerres-et-op%C3%A9rations/op%C3%A9ration-entebbe-1976/#:~:text=L’Op%C3%A9ration%20Entebbe%20(h%C3%A9breu%20%3A,populaire%20de%20lib%C3%A9ration%20de%20la
Ce fut un succès malgré la mort de Yonathan Neanyahou, les blessures très graves d’un des soldats et la mort de trois otages à laquelle il faut rajouter l’assassinat de Dora Bloch dans un hopital ougandais
* Les étincelles de douleur (Job, 5,7)
*Sharav:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2015/09/11/sharav-ou-hamsin-quelle-poussiere/
* Le vêtement tissé de joie et de tristesse est celui d’Israel, mot féminin comme d’ailleurs le mot Eretz, pays.
*Roï Klein:
https://en.wikipedia.org/wiki/Roi_Klein
*Les Golani:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2012/08/02/le-nord/
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2015/09/18/les-trois-crimes-de-damas/
Chaque annee je me rappelle de chercher les amandiers en fleurs le jour de Tou Bishvat et chaque annee jes les vois ce jour-la!
🙂