Jean-Claude Haddad,
Ligue arabe ou Califat?
Dans l’Arabie des origines -après le sacre de son souverain en janvier 1927- l’argent du pétrole et l’amitié avec les Etats-Unis vinrent plus tard. Auparavant, il y eut la réconciliation avec l’Angleterre qui fut accompagnée par la reconnaissance du royaume d’Abd el Aziz par le concert des nations.
La découverte, à fleur de désert, de l’or noir par les ingénieurs américains data de 1932 et, dès 1938, l’association arabo-américaine entreprit ses extractions sous une enseigne commune : l ‘Aramco.
La rencontre du roi arabe avec le Président Roosevelt intervint en février 1945 et elle établit les bases d’une nouvelle coopération.
Alors qu’Abd-el-Aziz, et les croyants musulmans, appelaient de leurs vœux le rétablissement du Califat, les britanniques, avant même la fin de la seconde guerre mondiale, tentèrent d’unir les Arabes sous une Fédération qui aurait compris en dehors de ses protégés –Irak et Transjordanie- la Palestine, le Liban et la Syrie. Mais les Arabes, échaudés, s’en méfiaient et l’Egypte, rayonnante et incontournable, imposa à la conférence d’Alexandrie, le 22 mars 1945, la création de la Ligue Arabe à laquelle se joignirent le Yémen du Nord et l’Arabie Saoudite.
Ces états, au nombre de sept, furent à l’origine de la ligue.
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A défaut de s’entendre sur le rétablissement du Califat à Médine, car il impliquait la reconnaissance de l’hégémonie naturelle des Saoudiens et un alignement sur leur théorie religieuse, les pays de la Ligue s’entendirent pour combattre les initiatives de partage de la Palestine. Ainsi, lorsque cette division fut officiellement votée et reconnue par l’Assemblée des Nations Unies –comme un siècle auparavant les nations européennes avaient reconnu les frontières du Liberia, en Afrique- les armées arabes, tombèrent dans le piège de la violence et du refus de reconnaitre une décision internationale. Transférant leur désaccord sur le point crucial de la foi, ils fondirent sur l’Etat nouvellement proclamé, comme s’ils entraient en une nouvelle religion. Ainsi, ils bafouaient, les premiers, les décisions des Nations Unies, ouvrant la porte au cycle des désobéissances à la chose votée.
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La vague de décolonisation qui suivit libera d’autres pays qui vinrent grossir la Ligue Arabe et celle-ci s’enferma dans son incapacité à aborder la renaissance du Califat. Plus cette impuissance s’accroissait plus son intransigeance vis à vis d’Israël se renforçait.
En effet, les délibérations de la Ligue Arabe n’eurent plus comme soucis que la mise en place d’une collection de moyens pour poursuivre la lutte contre l’ennemi. Blocus économique, course aux armements, discours belliqueux, encouragement à la pénétration de terroristes. Aucun des amis sincères que le monde arabe comptait -et qui avait suivi avec sympathie son mouvement de libération pour s’inscrire dans la modernité en remontant à ses sources- n’arriva à expliquer cette intransigeance destructrice. L’obstination de ces pays qui, tous, avaient inscrit l’Islam en tête de leur constitution hurlait leur incapacité à se fédérer autour d’un nouveau commandeur des croyants qui siégerait, comme les califes bien guidés, à Médine.
La dualité des « progressistes » –l’Egypte, l’Algérie, la Syrie, l’Irak, le Yémen du nord- envers les états « conservateurs » pour lesquels ils n’étaient prêts à aucune concession fit qu’ils s’enfermèrent dans un cercle inextricable de rancœurs et de déceptions.
Certains observateurs notèrent l’interférence de conseillers flagorneurs qui, ayant pour horizon leur profit immédiat, trouvèrent de leur intérêt d’entretenir cette inimitié. L’intransigeance de la Ligue Arabe et l’empressement des faux amis n’étaient pas sans rapport avec la production de pétrole et celle-ci, depuis 1960, se développait sous l’égide de l’OPEP qui, en dehors du Venezuela, ne comprenait que des pays arabes ou majoritairement musulmans.
Obsession d’un homme de foi, ambitieux et cruel, lorsqu’il mourut en 1953, l’année de la disparition de Staline, Abdel Aziz Ibn Séoud n’avait pas réussi à ramener dans sa patrie d’origine le Califat. Il avait été mortifié par les déclarations de Mustapha Kemal qui avait eu pour programme de ‘’déraciner du sol de la Turquie nouvelle cet islam figé, devenu néfaste, comme un parasite étouffe une plante saine’’–
A sa mort il laissait un pays, riche et uni, aux perspectives de développement sans limite. La manne du pétrole allait pleuvoir sur le Royaume pour le doter des équipements les plus modernes et développer une agriculture qui transformerait lentement le paysage. Il s’avéra que l’alliance conclue avec les dirigeants américains s’adaptait aux aléas de l’évolution du monde et de leurs intérêts réciproques.
Lorsqu’il mourut, seigneur anachronique qui quittait un pays à son nom, l’homme aux vingt femmes laissait après lui une dynastie de trente-quatre héritiers males prêts à lui succéder, et autant de filles, qui allaient composer une famille royale jamais égalée par le nombre, sauf peut-être à l’âge d’or, du temps de la conquête arabe et de l’expansion de l’islam.
Une famille nombreuse et jalousée –protégée par le cours du Brent- qui ne trouva pas d’arrangement pour imposer l’un des siens à la direction de la prière et qui –rongeant son impatience- se consolait en distribuant une partie de son or dans la diffusion de sa foi.
….mais l’islam, orphelin, appelait un calife de ses vœux…
Et voilà que le nouveau califat islamique de DAECH avec El Baghdâdi est arrivé!!!
Sans compter tous ses avatars comme le Hamas, le Djihad Islamique, Al Qaida etc...
Bibliographie:
BIBLIOGRAPHIE de Jean-Claude Haddad
Pour ceux qui souhaitent approfondir une question, je conseille, parmi mes sources, quelques volumes:
*Des origines de Rome aux invasions barbares, par M. CHRISTOL & D. NONY, aux éditions Hachette Université, 1974
*Le Proche Orient médiéval, par A.DUCELLIER, M.KAPLAN et B. MARTIN, aux éditions Hachette Université, 1978
*La Méditerranée, et le monde méditerranéen, 2 tomes, par Fernand BRAUDEL, à la Librairie Armand Colin, 1976
*Mahomet, par Maurice Gaudefroy-Demombynes aux Editions Albin Michel, 1957 et 1959
*Mohammed, par Renée VIEILLARD, à la Librairie Maloine – Paris 1962
*Mahomet, par Maxime RODINSON, éd.du Seuil 1968
*Le mémorial des siècles, par Gérard WALTER, aux éditions Albin-Michel :
*Mahomet, par Francesco GABRIELI, (1965)
*Les Arabes, d’hier à demain, par Jacques BERQUE, aux éditions du Seuil, 1960
*L’Islam dans le Monde, par Artur PELLEGIN, chez Payot-Paris 1937
*L’expansion musulmane, par Robert MANTRAN, aux PUF, 1979
*Histoire du Royaume Latin de Jérusalem, 2 tomes, par Joshua PRAWER, éditions du CNRS, 1975
*Histoire des Croisades, par Jean RICHARD, chez Arthème Fayard, 1996
*Le mémorial des siècles, par Gérard WALTER, aux éditions Albin-Michel :
*La conquête de la Terre Sainte par les Croisés, par le duc de Castries(1973)
*La découverte de l’Amérique, par Christophe COLOMB, aux éditions La découverte 1979
tome 1: journal de bord (1492-1493)
tome 2: Relations de voyage (1493-1504)
*Christophe Colomb Juif, par Sarah LEIBOVICI, éd. Maisonneuve et Larose, 1986
*Très brève relation de la destruction des Indes, par B. de LAS CASAS, éd. François Maspero, 1979
*Histoire de l’Empire Ottoman, publié sous la direction de Robert MANTRAN, chez Arthème Fayard, 1989
*Soliman le Magnifique, par André CLOT, à la Librairie Arthème Fayard, 1983
*Dans l’Empire de Soliman le Magnifique, par Nicolas de NICOLAY, Presses du CNRS, 1989
*Les ambassades de Moustapha Réchid Pacha à Paris, par Bayram KODAMAN, aux imprimerie de la société turque d’histoire, 1991.
*La fin de L’Empire Ottoman, par J-P GARNIER, à la Librairie Plon, 1973
*Mustapha Kémal, par BENOIST-MECHIN, aux éditions Albin-Michel, 1954
*Voyage de L’Afrique du Nord à La Mecque au XIV ème siècle, par IBN BATTÛTA, aux éditions La Découverte, 1982.
*Le Maghreb avant la prise d’Alger, par Lucette VALENSI, Flammarion, 1969
*Voyages dans les Régences de Tunis et d’Alger, par J-A PEYSSONNEL, éd. La Découverte, 1987
*La Berbérie, l’Islam et la France, 2 tomes, par Eugène GUERNIER, Editions Union Française 1950
*Tunis au XVIIème siècle, par Paul SEBAG, éd. L’Harmattan, 1989
*Le monde arabe et les Juifs, 2 tomes, par Ibrahim Amin GHALI, éd. Cujas, 1972
*Ibn-Séoud, par BENOIST-MECHIN, aux éditions Albin-Michel, 1955
*Juifs et Arabes, 3000 ans d’histoire, par J-P ALEM, éd. Bernard Grasset, 1968
*La traite des noirs à travers l’Atlantique, par James POPE-HENNESSY, chez Arthème Fayard, 1969
*Les routes de Compostelle, par Denise PERICARD-MEA, aux éditions Jean-Paul GISSEROT, 2002
*Le radeau de Mahomet, par J-P PERONCEL-HUGOZ, éd. Lieu Commun 1983
*La course et la piraterie en Méditerranée, par René COULET du GARD, éd. France-Empire, 1980
*Les Grandes Découvertes, d’Alexandre à Magellan, par Jean FAVIER, chez Arthème Fayard, 1991
*Le printemps des peuples, Ouvrage collectif dirigé par François FEJTO, aux éditions de Minuit, 1948.
*Survol de l’Histoire du Monde, par René SEDILLOT, chez Arthème Fayard, 1949
*Panorama de l’Histoire Universelle, par J-H PIRENNE, ed. La Baconnière, 1963
*Introduction à l’histoire de notre temps, 3 tomes, par René RAYMOND, aux éditions du Seuil, 1974
*Histoire des colonisations, par Marc FERRO, aux éditions du Seuil, 1994
*Rome et le Moyen-âge, par MALET, ISAAC & ALBA, librairie Hachette, 1958
*L’âge classique, par MALET, ISAAC & ALBA, librairie Hachette, 1959
*Les Révolutions, par ALBA, ISAAC, MICHAUD& POUTHAS, librairie Hachette, 1960.
*La naissance du monde moderne, ALBA, BONIFACIO, ISAAC, MICHAUD & POUTHAS, à la Librairie Hachette, 1961
*L’Europe et l’Orient, par Georges CORM, éditions La Découverte, 1989
*Atlas des peuples d’Orient, par A.et J. SELLIER, éd. La Découverte & Syros, 2002
*La découverte de la terre, par Sylvain LABOUREUR, Librairie Larousse 1978
*Bismarck, par Henry Valloton, à la Librairie Arthème Fayard, 1961