Le groupe clandestin des souffleurs de shofar

Comme vous le savez déjà, le shofar n’est pas pour nous qu’une trompette primitive*.
Ce fut même notre arme secrète à l’époque du Tanakh: souvenez-vous que le son du shofar fut la bande sonore au moment du don de la Thora au Sinaï (Exode 19), souvenez-vous de Yehoshua et son armée soufflant dans les shofar tout autour des murailles de Jericho (Josué chap 6):

trompettes de Jericho Jean Fouquet 1452

(Tableau de Jean Fouquet 1452)

ou bien de Gideon se battant contre les Madianites (livre des Juges, chap 7):

800px-Poussin_La_Victoire_de_Gédéon_contre_les_Madianite(Tableau de Poussin: La victoire de Gidéon contre les Madianites)

A l’époque du mandat britannique, les Anglais, soucieux de se concilier les potentats arabes, qui ne supportaient que l’appel des muezzin*, déclarèrent le shofar hors la loi.
Voici quelle était la situation:
Dans les années 30, les Juifs qui priaient au Kotel s’entassaient dans un boyau étroit,  se protégeant tant bien que mal des pierres que les Arabes leur lançaient (déjà!) depuis l’esplanade du Temple où se trouve la mosquée d’El Aksa.

kotel
Ils avaient le droit de prier au Kotel  mais sous étroite surveillance. Bref, entassés et se protégeant comme ils le pouvaient, les Juifs priaient… Apres tout, cela avait toujours été comme ça, et ils en avaient l’habitude…
Ce qui changea, dès le début du Mandat britannique, ce fut l’attitude de plus en plus conciliante des british envers les exigences du Grand Mufti de Jerusalem, Had Amin Al ‘Husseini. Celui-ci décréta que les prières des Juifs gênaient les musulmans.
Les Anglais décidèrent donc d’interdire les tables pour le kidoush* et des arches pour abriter la Thora*. Même sa lecture fut interdite. Pour lire la Thora,  il fallait aller dans une des synagogues du quartier juif mais surtout pas au Kotel.
Finalement, le son du shofar fut même interdit pendant les célébrations du nouvel an juif à Rosh Hashana et aussi le jour de Kippour.

Un groupe clandestin des souffleurs de shofar se forma naturellement aussitôt*. Le premier qui défia la police anglaise fut Moshe Segal en 1930. Il avait caché son shofar sous son talith et le sorti pour la prière de la Neila* de Kippour. Il fut aussitôt arrêté. Le Rav Abraham Ytz’hak Kook* décida de poursuivre le jeune de Kippour et resta donc sans manger ni boire jusqu’à la libération de Moshe Segal. Les Anglais ne voulant pas risquer la vie du Rav Kook, trop célèbre dans le monde juif, libérèrent Moshe Segal au bout de quelques heures.
moshesegal

Pendant 17 ans, jusqu’à la création de l’état d’Israel en 1948, de jeunes Juifs se relayèrent chaque année pour souffler dans le shofar. Ils étaient recrutés secrètement. Les volontaires s’entraînaient clandestinement pendant toute l’année et les souffleurs étaient désignés au dernier moment.

Six d’entre eux se sont retrouvés ces jours au Kotel:

Ils racontent:
– Nous avions juré de donner nos vie pour que revive le peuple juif

– Une jeune femme accompagnée d’une petite fille est venue vers moi et m’a dit: on t’emmène au Kotel.
– Où est le shofar?
– C’est la petite fille qui l’a
« 

La situation s’aggrava pour Rosh Hashana 1946 quand les Anglais fermèrent les entrées du quartier juif menant au Kotel.
Dans la vidéo ci-dessous, les volontaires racontent qu’ils sautèrent de balcon en balcon dans le quartier juif, passèrent de jardin en jardin et arrivèrent ainsi au Kotel…
Là, un poste de police britannique et une flopée de policiers…
Les policiers britanniques ne parlaient pas hébreu et les messages secrets étaient délivrés en hébreu en psalmodiant les phrases comme celles des prières…
Le shofar introduit clandestinement passait de mains en mains. Les Juifs gardaient leur tête baissée sous le talith pour que le récipiendaire ne voit pas leur visage et puisse les dénoncer au cas où il serait torturé… Les volontaires opéraient par trois. Dès que sur un des côtés du Kotel, l’un d’eux  avait soufflé dans le shofar, les policiers accouraient vers lui, mais plus de shofar! Un autre volontaire sonnait de l’autre côté et enfin le shofar se faisait entendre au milieu du Mur…

Certains volontaires furent arrêtés et envoyés en prison pour plusieurs mois, d’autres s’échappèrent comme Mordekhai She’hori en 1942 qui, une fois arrêté, entendit la foule psalmodier : « N’aie pas peur nous te libérerons, nous les pousserons et tu essayeras de t’échapper »
Soudain quelqu’un cria « Vas-y » et des centaines de gens poussèrent les policiers… Mordekhai parvint jusqu’au au centre ville où l’attendait Moshe Segal, le premier souffleur de shofar.

L’histoire des souffleurs de shofar se termine à Kippour 1947. De 1948 à 1967 le Kotel se retrouvera aux mains des Jordaniens et pendant cette période aucun Israelien ou Juif ne put prier au Kotel…

Nous pouvons y prier maintenant même si la situation n’est pas facile. Les Arabes entassent toujours des pierres dans la mosquée d’El Aksa qu’ils ont transformée en dépôt de munitions*. Comme ça ils ont tout sous la main…

Pierres a El Aksa

Oubliez l’indulgence de certains pour les « lanceurs de pierre ». C’est vrai, ca fait travail d’amateur, un peu comme les missiles du ‘Hamas qualifiés d’artisanaux. Mais malheureusement les pierres tuent.

La dernière victime s’appelle Alexandre Levlovitch, il a été assassiné le soir de Rosh Hashana dans le quartier de Armon Hanatsiv, pas très loin de chez moi:

Alexandre Levlovitch

Quant au scandale de la situation qui prévaut sur le Mont du Temple (que vous connaissez mieux sous le nom d’Esplanade des Mosquées), je vous en parlerai plus tard dans un prochain article.

A bientôt,

*Le shofar:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2013/09/10/shofar/

*L’appel du muezzin: hier encore il s’est déchaîné dans son minaret!
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2012/07/22/vendredi/

*les tables de kidoush: petites tables sur lesquelles on pose bouteille et verres pour la bénédiction sur le vin
les arches pour la Thora sont des petits coffres de rangement pour les rouleaux de la Thora

*Ils étaient tous membres du Beitar, on les  voit en uniforme sur la vidéo. Merci à Pierre Lurcat!

*Neila: derniere partie de la priere de Kippour qui se termine par le son du shofar

*Le rav Abraham Yitz’hak Kook: https://fr.wikipedia.org/wiki/Abraham_Isaac_Kook
*La mosquée d’El Aksa devenu un entrepot d’armes:
http://www.israel-flash.com/2014/11/jerusalemvideo-les-femmes-musulmanes-font-de-la-contrebande-darmes-a-laide-de-leurs-vetements-sur-le-mont-du-temple/

3 réflexions sur “Le groupe clandestin des souffleurs de shofar

  1. Merci pour ce bel article et pour tous les autres!A propos du shofar, une grande partie des sonneurs clandestinsfaisaient partie du Betar et des « Plugot ha kottel »Curieusement la vidéo ne le mentionne apparemment pas alors qu’on les voit bien en uniforme du Betar…Cet oubli est dommage mais l’histoire demeure merveilleuse!Ham saméah

  2. Pingback: La politique de la 'Kedousha': le Rav Kook et le mouvement sioniste révisionniste (I) par Pierre Lurçat | LPH INFO

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