Cette semaine j’entendais une interview de Myriam Peretz, récipendaire du Prix Israel pour son travail dans l’éducation. Myriam Perez a perdu deux de ses fils, Eliraz et Uriel, au combat. Et ces jours-ci le fils d’Eliraz s’est engagé dans Tsahal, dans les Golani comme son père, alors qu’en tant qu’orphelin d’un combattant, il aurait pu se contenter d’un poste administratif dans l’armée.
(Eliraz et son fils Or Hadash, photo Aroutz 14)
Dans son interview, elle cite cette phrase qui nous caractérise tous: nous vivons, des larmes d’amertume dans les yeux et le coeur joyeux עין במר בםכה ולב שמח (Ayin bemar bokha velev samea’h).
Comment pouvons-nous en effet nous réjouir cette année?
Comment pouvons-nous souhaiter Pessa’h Samea’h, parler de la liberté alors que nous avons encore plus d’une centaine d’otages dont nous ne savons rien sauf que les barbares qui les détiennent les torturent tous les jours?
(table de Pessa’h au kibboutz Nir Oz)
Comment ne pas penser à leurs familles au coeur tordu d’angoisse et comment ne pas penser à ceux qui ont déjà appris qu’il ne leur servait à rien d’espérer.
Comment se réjouir alors que plus de 400 orphelins ne pourront pas chanter à leurs parents: Ma nishtana*?
Comment les parents endeuillés pourront-ils, comme le veut la tradition, raconter à leurs enfants la sortie d’Egypte* alors que leur place à table restera vide?
Comment se réjouir alors que nous avons des centaines de morts et plusieurs milliers de blessés? Vous voyez sans doute ces films où de jeunes blessés courageaux sourient ou marchent dans les couloirs d’hopital sous les applaudissements des soignants, mais il y a ceux qu’on ne filme pas comme ce jeune soldat à qui mon fils est allé rendre visite à l’hôpital Tel Hashomer: il a perdu ses deux jambes et un bras, et il n’a plus qu’une demi-main.
Comment se réjouir alors que les habitants de Otef Aza se retrouvent face à leur maison détruite et que les évacués du nord, encore exilés du fait des bombardements du ‘Hezbollah, passeront la fête loin de chez eux?
Les habitants des kibboutz de Otef Aza ont répondu à cette question, ainsi que le rapporte la journaliste Sivan Rahav-Meir:
Une des familles d’otages m’a dit «Nous avons entendu que certains se demandent: comment est- il possible de célébrer Pessa’h cette année? Nous leur disons: Comment est-il possible de ne pas célébrer Pessah cette année ? Notre présence à la table du Seder est le plus grand cri, זעקה גדולה (Zaaka guedola) semblable à celui que le peuple poussa en Egypte...
Le jour de Sim’hat Thora, le jour du massacre, nous avons compris ce verset de la Haggadah בכל דור ודור קמים עלינו לכלותנו (Bekhol dor vador kamim aleinou lekalotenou) à chaque génération, ils se lèvent pour nous détruire et maintenant, nos otages nous font comprendre ce que signifie בני חורין (benei horin), les fils de la liberté.
David Yelin du kiboutz Beeri a écrit dans une nouvelle Haggadah publiée cette année, Haggadat hatikva, la Haggadah de l’espoir:
Dans la Haggadah il est écrit que le peuple d’Israel est sorti de l’esclavage vers la délivrance. Nous tous, de Otef Aza, de Sderot, d’Ofakim, nous qui avons survécu à l’attaque du 7 octobre, nous ressentons cette année que nous sommes sortis de l’obscurité vers la lumière. Depuis des milliers d’années nous lisons cette histoire et la transmettons à nos enfants, de génération en génération. Ce que nous avons vécu cette année nous rappelle l’évènement biblique dont se souviendront les prochaines générations et le prendront comme exemple de la sortie de la nuit vers la lumière.
L’obscurité est devenue lumière grâce à tous ces héros, civils ou soldats, qui nous ont protégés de leur corps dans nos abris alors qu’au dehors continuaient les massacres et les combats. Si nous continuons à être unis comme nous le sommes aujourd’hui, celui qui voudra nous exterminer ne le pourra pas. Savoir que notre survie est entre nos mains m’apporte beaucoup d’espoir.
Nous pouvons célébrer cette fête de la liberté, חג החרות (‘Hag ha’herout) parce que justement maintenant, et malgré les vociférations d’une extrême gauche bruyante mais très minoritaire, nous vivons cette année des jours de mobilisation nationale sans précédent, d’unité et de destin partagés, de sentiments de reconnaissance pour ces centaines de milliers de réservistes, pour ces combattants qui font preuve d’héroïsme et d’abnégation, pour tous ceux qui portent demain sur leurs épaules, l’espoir que tout cela n’a pas été vain.
Le petit-fils de Myriam Perez se nomme אור חדש, Or Hadash, nouvelle lumière. La bénédiction paternelle que chaque soldat reçoit à son arrivée au Bakoum*, lui a été donnée par le général Yaniv Assor, sous le commandement duquel son père Eliraz avait servi.
Je vous souhaite une joyeuse fête de Pessa’h
חג פסח שמח
A bientôt,
*Myriam Peretz:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2018/03/18/choisis-la-vie-et-tu-vivras-alors-toi-et-ta-posterite/
*Tu raconteras a tes enfants:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2013/03/21/et-vous-raconterez-a-vos-enfants-3/
*Ma nishtana:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2018/03/30/en-quoi-cette-nuit-est-elle-differente-des-autres-nuits/
*Bakoum: acronyme de בסיס קליטה ומיון (Basis klita vemiyoun), base d’incorporation et de tri. C’est la base où arrivent les nouvelles recrues avant d’être incorporées dans leur unité