La bataille de Malha

Comme certains d’entre vous le savent, j’habite Malha, un quartier campagnard au sud de Jerusalem, si calme, paisible et bucolique…

Les ruelles en escaliers grimpent jusqu’au sommet de la colline,

arrivent à la rue Hadishon

et plus haut dans le vieux Malha jusqu’aux maisons aux volets bleus

et aux jardins secrets…



Et pourtant, il n’en fut pas toujours ainsi:
En 1947, l’ONU avait prévu lors de son partage de la Palestine que Jerusalem serait une zone internationale, administrée par ses soins. Pour nous l’internationalisation de la ville était impensable…
Mais malheureusement, pendant la première année de la guerre d’Indépendance, les troupes juives, peu nombreuses face aux armées arabes et mal équipées, essuyèrent revers sur revers…

Aussi le 13 avril 1948, Mordekhai Raanan, commandant du district de Jerusalem pour l’Irgoun, va trouver David Shaltiel, commandant du district pour la Haganah. Il explique à Shaltiel que la gravité de l’heure et son sens des responsabilités lui commandent de placer ses troupes sous celle du commandement de la Haganah pour arriver à défendre la ville des attaques arabes.
Il informe aussi David Shaltiel de ce qu’il prévoit dès le départ des Britanniques pour préserver les acquis existants et défendre les Juifs de la ville. Il veut établir une zone de sécurité pour la population juive en se saisissant des bâtiments, appartenant auparavant à des Juifs mais réquisitionnés par les Anglais, constituant ainsi des zones sous controle uniquement britannique.*
Le but de Mordekhai Raanan est de créer une continuité juive avec les quartiers juives isolés, comme ceux de Talpiot et d’Arnona.

(Une des rues Bevingrad* réquisitionnées et vidées de leurs occupants juifs: l’avenue Princess Mary, maintenant Shlomtzion Hamalka. (Bibliothèque Nationale)

Les Anglais évacuent Jerusalem en mai 1948, aussitôt les forces juives prennent le contrôle d’endroits stratégiques. C’est ainsi que dans le centre ville, les combattants de l’Irgoun se saisissent des bâtiments des Assurances Generali au coin de Shlomtzion Hamalka et Yafo et de l’esplanade russe* transformée en prison par les Anglais. Ils s’emparent aussi plus au nord de l’Académie de police, où ils trouvent une quantité importante de munitions et de carburant et du quartier de Shimon Hatsadik*qui surplombe et donc contrôle la route menant à Har Hatzofim (Mont Scopus) dans le nord de la ville.

Pendant ce temps dans les quartiers sud:
En une opération conjointe, la Haganah essaye établir des contacts avec les quartiers juifs isolés au sud de la ville qui sont pris en étau entre la Légion Arabe et l’armée égyptienne, qui ayant atteint sans encombre Ashdod, ‘Hebron, et Bethlehem, s’attaque au verrou qu’est le kibboutz Ramat Ra’hel*(le Goush Etzsion est déjà tombé*)
C’est là que la coopération Haganah-Irgoun sera la plus efficace car le kibboutz ne tombera pas malgré le nombre ridicule de combattants juifs et leur sous-équipement, sans armes antichars, uniquement des fusils et une mitrailleuse Lewis qui datait de la première guerre mondiale*.

Qu’en est-il de Malha?
La colline de Malha est un autre verrou: celui qui contrôle Malha contrôle la seule voie ferrée* menant vers la plaine et Tel Aviv.

Avant la premiere guerre mondiale, le haut de la colline avait été occupé par des troupes turques qui utilisait ses grottes comme entrepôts. Les Turcs partis en 1918, ils avaient été remplacés par des familles de fellahs.

Dans les années 30, des séides à la solde du Grand Mufti, Hadj Amin Al ‘Husseini, en firent leur camp de base d’où ils partaient attaquer régulièrement les trains de la vallée et terroriser tout Juif qui s’aventurait en direction de Bethle’hem et de ‘Hevron.

(Malha en 1935: le médecin Rudy Goldstein et son dispensaire où sont sont soignés les familles arabes, collection de la famille Goldstein)


Le 11 juin 1948, est proclamé un premier cessez-le-feu de 4 semaines. Cette trêve est accueillie avec soulagement par les habitants de Jérusalem, civils et militaires. Les soldats sont épuisés par les violents combats et traumatisés par la pénurie constante d’armes et de combattants. Les civils peuvent sortir de leurs abris et accueillent avec enthousiasme les convois chargés de vivres. Les bombardements qui leur ont fait payer un si lourd tribut sont enfin terminés…

Pendant ces quatre semaines de trêve, des armes, du matériel médical, de la main-d’œuvre et de la nourriture affluent à Jérusalem pour la Haganah. L’Irgoun a également reçu des armes et des munitions depuis la plaine côtière. Les bases militaires, dispersées dans toute la ville, sont désormais reliées au quartier général, dans le quartier Katamon de Jérusalem. Les bataillons sont réorganisés et les troupes subissent un entraînement intensif, en vue d’une reprise des hostilités.

C’est à la fin de cette première trêve que le commandant de la Haganah, David Saltiel, ordonne de prendre le sud ouest de la ville pour créer un couloir de sortie sécurisé vers la plaine. Dans la nuit du 8 juillet 1948, la compagnie Yonathan de la Haganah s’empare du Mont Herzl, et dans la nuit du 12 juillet 1948, la colline de Bit Mazmil (Kiriat Hayovel) est conquise.

Vient alors le tour de la colline de Malha.
Shaltiel confie la tâche de conquérir Malha aux forces conjointes de l’Irgoun et de la Haganah. L’attaque commence le 14 juillet 1948, tout d’abord par des tirs de mortiers de l’Irgoun depuis le quartier de Katamon et ceux de la Haganah depuis Beit Vagan. Dans le même temps, la compagnie Yonathan prend d’assaut la colline de Miss Kerry* qui deviendra plus tard le moshav Ora. Les troupes arabes se retirent à Beit Zafafa et Beit Jala (banlieue de Bethlehem)

(Le moshav Ora aujourd’hui)

Malha se trouve en première ligne, face aux troupes de la Légion et aux troupes égyptiennes* qui sont postées de l’autre côté du wadi:
Les Arabes prennent alors d’assaut la colline El Ras, un escarpement rocheux, puis bombardent intensivement Malha. Les forces juives se trouvent à découvert: le sol est sec et caillouteux, elles n’ont ni le temps ni même les moyens de creuser des fossés pour se protéger.
Malgre intensité des combats, les Juifs transportent leurs blessés dans une grotte en haut de la colline mais ils doivent se replier et la Légion s’empare de la colline. Enfin les renforts arrivent de Katamon et Malha est conquise par les forces juives.
Malheureusement, les soldats blessés seront retrouvés exécutés et mutilés par les troupes arabes, sauf un qui a pu se cacher sous les corps de ses camarades. Après la guerre, les combattants de l’Irgoun demanderont une commission d’enquête qui n’a toujours pas été ouverte sur l’abandon des blessés par la Haganah qui était censée les évacuer.

Le 15 juillet 1948, le journal Davar peut enfin titrer: le village de Malha est entre nos mains

Entre les quartiers de Malha et de Ramat Sharet se trouve une plaque commémorative de la bataille de Malha sur une petite place, nommée la place des 18, en souvenir des 18 soldats tués. Le mot 18 s’ecrit חי (HaY) et veut aussi dire vivant.



Dans le vieux Malha se trouve la synagogue Zichron Reuven ben Tzvi Zecharia, du nom d’un des officiers de l’Irgoun.

Chaque fois que je flâne dans mon quartier, je pense à ceux qui ont donné leur vie pour que nous en profitions


A bientôt,

*La partage de la Palestine en 1947:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2017/11/28/le-29-novembre-1947-2/

*zones contrôlées par les Anglais ou zones Bevingrad : les Juifs les appelaient Bevingrad pour se moquer d’Ernest Bevin, alors Secrétaire aux Affaires Étrangères.

*L’esplanade russe:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2018/03/08/le-chemin-des-patriarches-5-la-traversee-de-jerusalem/

*Malheureusement, cinq jours plus tard, le 19 mai 1948, la Légion arabe (l’armée de Jordanie) attaqua Jérusalem et s’emparait de l’Académie de police et de Shimon Hatsadik:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2021/05/10/un-meme-quartier-shimon-hatsadik-sheikh-jarra/

*Ramat Rahel:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2012/10/10/ramat-rahel/

*Le goush Etzion:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2018/01/23/le-chemin-des-patriarches-4-le-goush-etzion/

*La bataille de Ramat Ra’hel: Le lendemain, le porte-parole de l’Agence juive a annoncé que l’attaque égyptienne sur le sud de Jérusalem avait été stoppée et que « l’Irgoun avait fait preuve d’un grand héroïsme ». David Shaltiel est allé plus loin et a noté qu’en contrant l’attaque égyptienne, l’Irgoun avait sauvé le sud de Jérusalem. L’héroïsme des combattants de l’Irgoun à Ramat Rachel a également été noté dans un ordre spécial du jour du commandant en chef de l’Irgoun et du commandant de district.

*La voie ferrée vers Tel Aviv:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2013/06/05/lancienne-gare-de-jerusalem/

*Miss Kerry: Alice May COra un complexe de prières pour les trois religions monotheistes.)




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