La Presse parle beaucoup ces derniers temps des évènements politiques internes à Israel et qui provoquent une situation que l’on pourrait désigner d’un mot: balagan*.
Ce balagan intérieur, qui finira forcément par se terminer un jour ou un autre, a des répercussions sur notre image à l’extérieur d’Israel. Et ceci peut avoir des conséquences dramatiques pour la survie du pays.
Depuis quelques temps, nous entendons des tambours de guerre de plus en plus assourdissants en provenance du Liban où le ‘Hezbollah multiplie les provocations à notre égard.
Pour comprendre ce qui se passe il faut revenir un an en arrière lorsque le ‘Hezbollah envoya trois drones non armés sur le site de Karish* et que le premier ministre de l’époque, Yair Lapid, décida de négocier avec les Libanais, sous les auspices des USA, le tracé de la frontière maritime avec notre voisin. Les Israéliens eurent la (mauvaise) surprise de constater que la frontière maritime avait été déplacée plus au sud, donc en faveur des Libanais, sans qu’aucun vote n’eut eu lieu à la Knesset, et ceci un jour avant les élections du premier novembre 2022.
Pour les observateurs étrangers, et en particulier ceux du Moyen-Orient, ce fut alors évident que nous avions cédé devant la menace libanaise.
Ce fut un premier coup donné à la réputation d’Israel, qui depuis plusieurs années était perçu par ses voisins comme un état puissant militairement qu’il ne fallait pas trop chatouiller.
Mais me direz-vous, puisque nous sommes un état fort, nous pouvons nous montrer conciliants, un geste de bonne volonté de notre part pourrait conduire in fine à des accords de paix avec nos voisins libanais.
Malheureusement le Liban tel que vous l‘imaginez n’existe que sur le papier. En fait le Hezbollah y règne en maitre. Or le ‘Hezbollah est une organisation terroriste et un poste avancé de l’Iran. Nous vivons au Moyen-Orient, ni en Europe ni en Amérique du Nord.
Dans notre Moyen-Orient, seule la force de dissuasion permet d’éviter des conflits en imposant une certaine forme de respect. N’oublions pas que les accords de paix déjà obtenus (avec l’Égypte et la Jordanie), et dont on se réjouit a juste titre, n’ont été signés qu’après que les dirigeants de ces pays eurent compris qu’ils ne pourraient pas remporter une victoire militaire et après que leurs autorités religieuses aient émis une fatwa les déclarant licites mais temporaires. Ne faisant pas partie de la Ouma sunnite, nous avons implanté un état souverain en Dar El Islam, c’est-à-dire en terre musulmane. De ce fait, ces accords sont loin d’avoir enthousiasmé les populations concernées. Il suffit pour cela de lire leur presse et la façon dont elles traitent Israel.
Depuis près d’un an le gouvernement israélien, élu en novembre 2022, essaye de faire passer une réforme judiciaire, pour contrer le pouvoir absolu que s’est attribué la Cour Suprême* après la révolution judiciaire qu’a entamée Aharon Barak en 1993.
Ce rééquilibrage des pouvoirs voulu par le nouveau gouvernement a provoqué des manifestations hebdomadaires des opposants de gauche et des principaux leaders d’opposition. Le plus triste est qu’ils ne sont pas en fait vraiment opposés à cette réforme pour des motifs idéologiques, ce qui serait respectable, mais parce qu’ils veulent devenir califes à la place du calife comme par exemple 2016, Yair Lapid qui déclarait: Je me suis opposé et je m’oppose à l’activisme judiciaire d’Aharon Barak, à mes yeux, tout ne peut pas être arbitré, il n’est pas acceptable que la Cour Suprême change l’ordre des choses et utilise la clause de raisonnabilité qui est une définition nébuleuse qui ne se trouve pas dans les textes législatifs, il n’est pas acceptable que soit truquée la séparation des pouvoirs, base sacrée de la démocratie, et que l’un d’eux se place au dessus des autres
Dans le même sens, l’excellent article « La revanche des archives » publié sur Mabatim Info* nous démontre qu’ il y a 24 ans, toute la gauche voulait réformer le système judiciaire – les mêmes qui la contestent aujourd’hui*.
Mais sans doute que peu importe aux démagogues.
Mais cette inconstance des politiques a aussi fait soudainement surgir des pétitions d’un certain nombre de réservistes dans l’armée de l’air, dans les services de renseignements ou autres, se déclarant tout d’un coup objecteurs de conscience et décidant qu’ils ne se porteraient pas volontaires pour les milouyim*.
Je ne polémiquerai pas sur le fait de savoir si l’importance de ces listes impactent l’efficacité de Tsahal car je suis persuadée qu’en cas de conflit, ils seront tous présents dans la défense du pays. Ce qui importe ici, c’est le dégât fait à l’image d’Israel dans le monde musulman et à sa capacité de dissuasion. En fait le gouvernement et la majorité de la Knesset semblent n’avoir aucun poids face aux manifestations de rue et face aux incitateurs comme Ehoud Barak qui expliquait déjà en 2020 comment prendre le pouvoir par la force*.
Or au Moyen-Orient, quand, il y a quelques troubles, les gouvernements en place les répriment très vite et très violemment. Pour eux donc, nous sommes maintenant faibles et notre armée ne sera pas en mesure de riposter.
Il en est de même pour les articles annonçant une dégradation inéluctable de l’économie israélienne, suite à l’annonce faite par certains patrons du High Tech, opposés à la réforme, de leur volonté de délocaliser leurs activités. Ceux-là même dénoncent aujourd’hui la baisse du shekel, suite aux désordres dans la rue, alors qu’il y a encore peu il stigmatisaient la Banque d’Israel pour sa politique, le shekel étant trop élevé à leur goût.
Et ceci, alors qu’aujourd’hui pourtant, nous avons une inflation basse, des réserves en monnaie étrangère phénoménales et une dette extérieure très réduite si on la compare aux pays de l’OCDE.
Il faut noter également qu’en même temps les observateurs du monde musulman constatent une opposition désormais affirmée du gouvernement américain à l’équipe dirigeante israélienne. Ce résultat est dû à la direction démocrate influencée par leur extrême gauche aux États Unis mais aussi par le fait que certains leaders de l’opposition israéliens les appellent à l’aide, les confortant dans l’idée que décidemment les Américains peuvent s’ingérer dans notre politique intérieure et qu’ils doivent nous tenir en tutelle.
Concernant un éventuel rapprochement avec l’Arabie saoudite, auquel Jo Biden semble tenir – il aimerait bien que son nom apparaisse sur un accord de paix soit signé entre Jerusalem et Riyad, pour rivaliser avec Trump qui a finalisé les accords d’Abraham – du fait de notre état de faiblesse apparent, les Saoudiens élèvent leur niveau d’exigence. Donc là aussi, il s’agit d’un dégât stratégique des plus importants.
Il faut donc que cesse cette lutte que mènent certains leaders d’opinion qui espèrent ainsi améliorer leur situation personnelle. Ainsi Ehud Barak enrôle pour son combat personnel les dirigeants et ONG du monde occidental (qui le financent généreusement), il le fait contre la majorité du peuple israélien qui n’a pas voté, pense-t-il, comme il se doit.
Cela me rappelle cette phrase de Brecht : Si le peuple vote mal ne serait-il pas plus simple alors… de dissoudre le peuple et d’en élire un autre? …
Ces enfants gâtés font passer leurs intérêts personnels ou ceux de leur petit clan avant celui du pays sans prendre en compte que nous ne vivons pas dans une région apaisée et que nos voisins nous tolèrent simplement parce qu’ils nous craignent ou parce que nous pouvons leur être utile.
Il est temps que les politiques en Israel retrouvent la raison et se préoccupent à nouveau des risques encourus par notre petit pays dont l’existence est toujours remise en question.
Je reprends ici un extrait de mon article sur Pourim d’il y a quelques mois*:
« Shay Tsharka nous rappelle dans cette caricature, les paroles de Haman à A’hashveroush, roi de Perse, pour l’inciter à signer le décret d’extermination des Juifs (Esther: 3,8):
Il est une nation éparpillée et divisée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation; quant aux lois du roi, ils ne les observent point: il n’est donc pas de l’intérêt du roi de les conserver.
« יֶשְׁנוֹ עַם-אֶחָד מְפֻזָּר וּמְפֹרָד בֵּין הָעַמִּים, בְּכֹל מְדִינוֹת מַלְכוּתֶךָ; וְדָתֵיהֶם שֹׁנוֹת מִכָּל-עָם, וְאֶת-דָּתֵי הַמֶּלֶךְ אֵינָם עֹשִׂים, וְלַמֶּלֶךְ אֵין-שֹׁוֶה, לְהַנִּיחָם
A bientôt,
PS Cet article est tiré de plusieurs interviews de Mordekhaî Kedar
*Balagan : désordre
*Le site de Karish : gisement de gaz sous-marin à la frontière nord d’Israel
*La révolution judiciaire d’Aharon Barak:
https://www.tribunejuive.info/2023/02/05/pierre-lurcat-en-marge-de-la-reforme-judiciaire-la-cour-supreme-et-lidentite-disrael/
*milouyim: période de réserve
*Ehoud Barak: Je remets le lien vers la video que j’avais publiée dans mon article sur Tisha BeAv. Ce sont des extraits sous-titres anglais de son intervention devant les membres du forum 555:
https://rumble.com/embed/v2z1hb0/?pub=4
La totalité de ses propos en hébreu non sous-titré:
* Extrait du poème Die Lösung (la solution) qu’écrivit Brecht en 1953 en soutien au regime stalinien de la DDR après un soulèvement des ouvriers réclamant de meilleures conditions de travail.
*Mon article sur Pourim:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2023/03/06/pourim-superman-et-nous/