Depuis quelques jours, la Jordanie fait face à des émeutes sans précédents.
Elles ont commencé par des manifestations et grèves de camionneurs protestant contre l’augmentation du prix de l’essence et paralysant tout le pays car le transport en Jordanie se fait surtout par route. S’y sont joints tous ceux qui dépendent de ces approvisionnements pour pouvoir travailler. Cela concerne en particulier les ouvriers journaliers du bâtiment qui sont au chômage technique.
Des manifestations, des grèves, cela n’a pas l’air très grave et pourtant…
Mais tout d’abord, un peu d’histoire:
La Jordanie est un pays créé de toute pièces par décision unilatérale des Anglais. Ceux-ci amputent en 1923 le territoire accordé au Foyer National Juif tel que le prévoyaient les accords de San Remo conclus en 1920. A la suite d’accords déjà passés pendant la première guerre mondiale avec les princes arabes de la dynastie hachémite, en échange de leur révolte contre les Ottomans, ils en font un protectorat britannique. Ils nomment donc Abdallah 1er, fils de Hussein ben Ali, chérif de la Mecque, émir de Transjordanie.
En échange de son aide, cette fois pendant la deuxième guerre mondiale, Abdallah demande aux Anglais de lui accorder l’indépendance. Ce qui sera fait en 1948. Cet émirat, désormais indépendant, deviendra le royaume de Jordanie en 1949.
Le nom exact du royaume est royaume hachémite. Ce qualificatif est très important pour comprendre ce qu’est la société jordanienne.
La famille royale jordanienne se réclame de Hachim, arrière grand-père de Mahomet. Les Hachémites sont, de génération en génération, les chérifs de la Mecque chargés de la sécurité des lieux saints. Ils sont originaires du Hedjaz en Arabie et donc des étrangers dans le pays qu’ils gouvernent.
La population jordanienne n’est pas homogène: elle est composée de tribus bédouines, arrivées pendant le mandat britannique mais provenant de territoires totalement différents*.
A ces tribus bédouines, il faut ajouter les Palestiniens (près de 70% de la population), qui eux sont arrivés après la guerre d’Indépendance. Ils sont parfois nomades, parfois pas, mais de toute manière considérés comme faisant partie d’une caste inférieure. Pour se concilier la population palestinienne dont il craint la violence, le roi Abdallah a épousé Rania dont la famille est originaire de Tulkarem en Samarie. Mais en vain, car les Palestiniens de Jordanie la considèrent, ainsi que sa famille, comme des traitres qui les ont abandonnés. Il faut dire qu’ils se souviennent des massacres de septembre noir en 1970 qui firent plusieurs milliers de morts quand Hussein de Jordanie décida de se débarrasser de l’OLP qui menaçait son pouvoir, mais aussi de ceux qui lui demandaient un territoire autonome pour créer un état palestinien alternatif (estimations entre 3500 et 10000 morts).
De plus, depuis une dizaine d’années, il faut aussi ajouter le million de réfugiés d’origine syrienne ou irakienne qui sont parqués dans des camps et servent de main d’œuvre servile, comme les 200 000 qui vivent dans ce bidonville, le camp Zaatari, qui est en fait devenu l’une des principales villes du pays.
En marge de ces grèves et émeutes, il y a eu un évènement très important dont la presse internationale n’a pas parlé. Il faut dire que les informations arrivent par bribes car en Jordanie, l’accès à internet est très contrôlé par le régime.
Il y a quelques jours, le vice-gouverneur de la région de Ma’an, le général Abdelrazak Abdel Hafez Dalabyah de la tribu des Abu Del Bakh a été assassiné.
(Le général Abdelrazak Abdel Hafez Dalabyah, Israel Hayom)
Cet homme, dignitaire du régime, n’a pas été tué par un étranger mais par un habitant de la même ville appartenant toutefois à une autre tribu.
La ville de Ma’an est une ville dont la population est composée de bédouins sédentarisés, mais bien sûr, toujours divisés en tribus. Il s’agit en fait d’un meurtre inter-tribal. Mais pour compliquer les choses, la victime appartient à une tribu qui soutient le régime et le meurtrier à une tribu qui, non seulement ne le soutient pas, mais qui le combat et soutient Daesh que l’on voit régulièrement parader dans cette zone, brandissant le drapeau noir et tirant tout azimut comme toujours.
(Photo The National)
Donc, la querelle entre tribus se complique d’une tentative de renverser le régime en assassinant un de ses piliers.
Ce qui est inquiétant aussi, c’est que la tribu Abd El Bakh de la victime, a refusé qu’un des membres du régime, ni même de la famille royale, n’assiste à l’enterrement du général Abdelrazak Abdel Hafez Dalabyah. Cette tribu a sommé le roi d’arrêter et d’exécuter le meurtrier sous trois jours, ce qui aurait été fait d’après le Jordan Times, qui, lui, parle d’un raid contre une cellule terroriste.
Si la légitimité d’Abdallah est contestée, quelle qu’en soit la raison, par autant de groupe divers, la survie de son régime et même la sienne propre est incertaine. Si on ajoute à ses soucis actuels, les tentatives de coup d’état, comme celui qu’a tenté en 2021 le prince Hamza, son demi-frère, on peut se dire que le roi Abdallah II ne doit pas dormir très bien ces jours-ci…
Il a donc demandé l’aide de son oncle Hassan, fils de Talal, père du roi Hussein, pour parlementer avec les tribus, mais ceci est considéré comme un signe de faiblesse car leurs relations étaient déjà très orageuses…
Et comme à l’accoutumée, il appellera Israel à l’aide comme le signale Edy Cohen* sur sa page facebook
En fait ici en Israel, nous avons deux options:
– soit le laisser se débrouiller tout seul avec cependant la crainte que son régime s’effondre et soit remplacé par un autre régime autoritaire (il n’y a pas de démocratie dans les pays arabes). Autre possibilité plus inquiétante, la Jordanie pourrait sombrer dans des lutes intestines entre bédouins d’Arabie et palestiniens, luttes similaires à celles que nous connaissons en Syrie et en Irak. L’Iran pourrait profiter de cette situation pour s’installer via le Hezbollah à notre frontière, comme il l’a déjà fait au Liban et sur le Golan syrien profitant des guerres civiles dans ces deux pays.
– l’autre option est de soutenir la famille royale à tout prix pour qu’elle puisse survivre, à condition qu’elle s’engage à garder paisible notre longue frontière commune. Toutefois il faudrait pour cela que le roi Abdallah cesse clairement de réclamer à cor et à cris, à l’ONU et ailleurs, que soit créé un état palestinien en Judée-Samarie, qui sera évidemment un état terroriste. En effet la popularité du Hamas en Cisjordanie est telle qu’il est certain qu’un état palestinien indépendant tomberait sous sa coupe immédiatement (cf. ce qui s’est passé à Gaza depuis notre désengagement en 2005). Cet état serait une menace pour Israel mais à terme pour le régime hachémite lui-même dont la population est majoritairement palestinienne.
Ce risque est grand. Il est renforcé aujourd’hui par la position de l’administration Biden qui écoute Abdallah d’une oreille attentive mais aussi par à l’Europe qui prépare un plan depuis des années pour aider les palestiniens à récupérer la zone C confiée aux Israéliens suite aux accords d’Oslo, plan qu’a dévoilé cette semaine la chaine 13 de la télévision israélienne*.
La gabegie jordanienne a conduit ce pays à une sécheresse épouvantable ces dernières années. Israel a proposé de fournir de l’eau provenant des usines de dessalement en contrepartie d’une fourniture d’énergie solaire. Un accord tripartite a même été signé avec les Emirats Arabes Unis, au mois de novembre 2022. Il s’est traduit par de nouvelles émeutes à Aman!
Donc prudence, la paix avec la Jordanie n’est qu’une paix entre états. Le peuple jordanien est loin d’y acquiescer.
A bientôt,
* Mahomet, sa famille et ses descendants:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2020/08/18/jerusalem-une-ville-sainte-pour-lislam-1-3/
* Comment est constituée la société palestinienne:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2018/02/16/une-nation-palestinienne/
* Dr Edy Cohen:
Chercheur au Centre Begin-Sadate. Spécialisé dans les relations inter-arabes, le conflit arabo-israélien, le terrorisme, les communautés juives dans le monde arabe
https://besacenter.org/
* Le plan de l’Union Européenne dévoilé à la télévision israélienne: Il s’agit d’un texte en 6 pages, détaillant l’aide que l’U.E donne aux Palestiniens pour les aider à s’emparer de terres se trouvant dans la zone C, c’est a dire dans la zone de Judée-Samarie entièrement contrôlée par Israel, selon ce qui avait été décide lors des accords d’Oslo.
Ces jours-ci, en réaction à cette information, une quarantaine de parlementaires israéliens a adressé la lettre que voici à l’U.E:
Sur l’arc de Titus à Rome est gravé dans la pierre le chandelier à 7 branches de notre Temple pillé par les légions romaines.
Jerusalem est perdue – Hyerosolomita est perdita ou Hep-Hep – est la devise latine de tous ceux qui voulaient humilier les Juifs exilés en Europe.
En 1930, des graffitis similaires étaient écrits sur les murs à Berlin: Juden nach Palestina! Juifs en Palestine!
Et maintenant que nous sommes finalement revenus sur notre terre, à Jerusalem en Israel, l’Europe clame que nous sommes des étrangers dans notre propre pays et que nous n’appartenons pas à notre patrie.
Si vous voulez en savoir plus sur la guerre d’usure que nous livre l’Europe:
https://www.regavim.org/