Il y a quelques jours, le journal Israel Hayom a publié cette lettre ouverte de Dror Idar qui fut dernièrement ambassadeur d’Israel en Italie.
Il l’adresse en particulier à ceux des Juifs d’Europe qui poussent des cris d’effroi devant le résultat des dernières élections israéliennes :
« A nos frères et sœurs juifs en Europe,
Non la démocratie israélienne n’est pas en danger!
Dans vos avertissements contre le nouveau gouvernement, vous adoptez la rhétorique de ceux qui cherchent à priver Israel de son identité en tant qu’État-nation du peuple juif, bien que jusqu’à présent, nous attendions que vous veniez nous rejoindre!
Certains d’entre vous ont lancé un cri d’alarme – un parmi bien d’autres – nous mettant en garde contre les conséquences politiques et morales des actions du nouveau gouvernement israélien. Vous répétez comme un mantra, que « seules la fin de l’occupation et l’établissement d’un état palestinien aux côtés d’Israel assureront son existence en tant qu’état démocratique à majorité juive ».
1- A la base du mouvement pour la paix se trouvait l’hypothèse que le conflit entre nous et les Arabes de la région opposait deux mouvements nationaux. Mais alors qu’Israel reconnaissait le mouvement national palestinien, les Arabes n’ont jamais reconnu le sionisme comme un mouvement national juif légitime avec des droits sur cette terre. Pour eux, nous restons une entreprise colonialiste européenne. De plus, les Juifs ne sont pour eux qu’une religion et non une nation, et donc, n’ont pas droit à leur propre pays.
Voici ce qui est écrit dans le paragraphe 20 de la Charte Nationale Palestinienne : « … Les revendications du lien historique ou spirituel du Juif avec la Palestine ne sont pas compatibles avec les vérités de l’histoire… Le judaïsme n’est qu’une religion et n’a pas de caractère national, et de même les Juifs ne sont pas un véritable peuple »…
Faites attention au déni de notre lien historique avec la terre et au déni de notre existence même en tant que peuple.
2- La solution appelée solution à deux états comporte une deuxième partie, que négligent la plupart de ceux qui la prônent:
En effet, elle est est basée sur le fait que chacune des deux parties reconnait l’autre en tant que nation et reconnait aussi la légitimité de ses revendications. Les Palestiniens n’ont pas accepté ceci. Sur la question de savoir s’il faut préférer un compromis territorial ou la poursuite du conflit, ils préfèrent ce dernier, car un compromis nécessite la reconnaissance d’un certain droit des Juifs à leur patrie historique.
Comme nous l’avons vu, ils considèrent que les Juifs n’ont pas droit à l’autodétermination dans leur propre pays. Soit dit en passant, dans les définitions de l’I.H.R.A* de l’antisémitisme que les pays européens ont adoptées, le déni du droit des Juifs à l’autodétermination est une expression de l’antisémitisme.
En fait nous n’avons pas besoin de la reconnaissance des Palestiniens. Il est ridicule qu’un groupe qui prétend être notre partenaire fasse semblant de douter de l’identité de l’une des plus anciennes nations de l’humanité. Mais cela donne la mesure de leur manque de sincérité.
3- Aux oreilles européennes, cela peut ressembler à un simple argument sémantique. Ce n’est pas le cas pour nos voisins. Il y a une dizaine d’années, près de 17 000 documents concernant les négociations avec Israel et les Américains ont fuité du bureau de Saeb Erekat, alors négociateur en chef pour l’Autorité Palestinienne. Ces documents ont dévoilé la teneur d’une conversation inter-palestinienne. Les membres de l’équipe de négociation ont conseillé à Erekat de ne pas utiliser l’expression deux pays pour deux peuples, mais de préférer deux pays vivant en paix côte à côte.
L’emploi officiel par les Palestiniens de cette deuxième expression efface simplement notre qualité de peuple et donc notre possibilité d’avoir un pays à identité juive; ceci bien que plus de 50 pays dans le monde ont une identité musulmane, et plus de 100 ont une majorité chrétienne et des symboles chrétiens.
La logique (de cette sémantique) a été expliquée à Erekat dans une autre lettre qui a fuité elle aussi : Mentionner le droit des deux nations à l’autodétermination peut avoir un effet négatif sur les droits des réfugiés (palestiniens), c’est-à-dire sur leur droit au retour, car cela implique que ces réfugiés ne pourront l’exercer que dans le cadre de leur droit à l’autodétermination. Or, l’OLP ne veut pas d’une autodétermination palestinienne. Ce qu’elle veut c’est en fait un état-nation arabe sans Juifs, à côté d’un état, temporairement appelé Israel, mais dans lequel pourront s’installer des millions de réfugiés musulmans au nom de leur « droit au retour ».
4-Et c’est ainsi que dans le monde, mais aussi en Israel, la revendication de certains groupes pour supprimer le caractère juif de l’état et transformer le pays en un état pour tous ses citoyens s’est faite de plus en plus pressante.
Cette idée même d’un état-nation du peuple juif est de plus en plus perçue comme raciste par une partie de l’élite de ce pays. Les naïfs parmi nous continuent de discuter sur le bien fondé de cette terminologie comme si Israel ne pouvait pas être à la fois juif et démocratique
La vérité est qu’Israel accorde des droits égaux à tous ses citoyens, sans distinction de religion, de race ou de sexe. Cette expression un état pour tous ses citoyens n’est rien d’autre que le déguisement d’une idée radicale: la suppression de l’identité juive de ce pays
Dans un scénario qui n’est pas si farfelu, la révolution constitutionnelle menée par la Cour suprême* pourrait s’appuyer sur une loi fondamentale: la dignité et la liberté humaine, pour invalider la Loi du Retour.
C’est pourquoi la loi de la nation* a été promulguée, afin d’établir dans une loi fondamentale l’idée essentielle du sionisme: l’Etat d’Israel est le foyer national du peuple juif, c’est-à-dire l’expression politique de la vision biblique du retour des Juifs à Sion.
5- De ce point de vue, la judéité d’Israel garantira son caractère démocratique.
Dans la Déclaration d’Indépendance*, le mot Juif et ses inflexions sont mentionnés environ 20 fois, et pas une seule fois dans notre système démocratique de gouvernement. Il n’y en a pas besoin. C’est une évidence pour notre peuple: A l’époque biblique, les rois d’Israel étaient les chefs du peuple et non des rois absolus, comme l’étaient les rois en Europe. Même les rois problématiques se soumettaient à l’ancienne loi biblique, et devant eux se tenait le conseil des anciens, dont le prophète était le représentant moral devant le roi.
La séparation des pouvoirs de Montesquieu était un principe de vie pour nous, bien avant que son message n’atteigne l’Europe. C’est pourquoi nous nous sommes presque toujours rebellés contre un gouvernement étranger qui voulait annuler nos anciennes lois.
La démocratie israélienne n’est pas en danger, sauf dans l’imaginaire de ceux qui ont du mal à digérer les résultats des élections.
Notre démocratie est plus forte et plus établie que celle de la plupart des pays européens où vous vivez.
Soit dit en passant, 64 mandats ne constituent pas une petite majorité comme vous le dites, parce que face à ces mandats ne se tient pas une opposition unie, mais des factions aux visions du monde polarisées, dont certaines nient Israel en tant qu’État juif.
Au lieu de craindre pour l’avenir de notre démocratie, vous devriez vous interroger sur l’avenir du continent dans lequel vous êtes blottis. L’histoire récente nous a appris que rien n’est jamais assuré.
Venez, nous vous attendons! »
J’espère que cette traduction vous intéressera…
A bientôt,
* L’I.H.R.A:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_internationale_pour_la_m%C3%A9moire_de_l’Holocauste
* La loi de la nation et la Déclaration d’Indépendance:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2019/02/07/la-loi-de-la-nation-ou-la-vertu-du-nationalisme/
* A propos de la Révolution constitutionnelle qui a amené la Cour Suprême (qui se doit d’être apolitique) à prendre des décisions d’extrême gauche, lisez ce remarquable article sur Aharon Barak de Pierre Lurçat:
https://mabatim.info/2023/01/08/israel-le-juge-aharon-barak-contre-la-democratie/