La fête de Tu Bishvat* est passée, les amandiers sont en fleurs dans les vallées autour de Jerusalem..
Les premiers m’attendent à la sortie de la ville, vers Ein Karem.
(amandiers en fleurs vers Ein Karem, l’église orthodoxe russe au fond avec ses coupoles dorées, site agenda.co.il)
Je me rends à Tel Lakhish. J’ai envie de voir de près cette ancienne ville fortifiée, tombée aux mains des Assyriens puis des Babyloniens.
Pourquoi aller à Lakhish m’a-t-on dit? Il n’en reste presque rien. C’est vrai, actuellement on distingue peu de ce que furent la porte de la ville, sa grande rue et ses tours de garde. Il faut une vue aérienne comme celle-ci pour se rendre compte que ce fut l’une des plus grandes villes de la plaine de la Shephela, à mi-chemin entre les monts de Judée et la côte méditerranéenne.
(Lakhish vue du ciel, madrichtiyulim blogspot.com)
La voici
((From: http://fontes.lstc.edu/~rklein/images2/lachmode.jpg)
Une grande et belle cite fortifiée, verrou de la route pour Jerusalem et tombée sous les coups des Assyriens en ce début du 8 ème siècle avant l’ère chrétienne.
Lakhish est intéressante parce qu’elle est mentionnée à la fois dans les textes bibliques et dans les chroniques du roi San’herib*, le roi d’Assyrie.
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Le prophète Ishaya résume bien la situation: « Dans la quatorzième année du règne d’Ezéchias, Sennachérib, roi d’Assyrie, marcha contre toutes les villes fortes de la Judée et s’en empara. » (Isaie 36-1.)
Il est très fort San’herib et son armée est une des meilleures de l’époque. Les villes qui se trouvent dans la plaine sont censées protéger la capitale mais elles tombent les unes après les autres. La dernière qui résiste est Lakhish, mais en vain!
La voie est libre pour Jerusalem, son but final comme le raconte le prophète Ishaya: « De Lakhich, le roi d’Assyrie envoya Rabchakè, avec une puissante armée, à Jérusalem contre le roi Ezéchias » (Isaie 36-2)
San’herib, fier de ses victoires, fait inscrire ses hauts faits sur une tablette en forme de prisme hexagonal: De Lakhich, le roi d’Assyrie envoya Rabchakè, avec une puissante armée, à Jérusalem contre le roi Ezéchias…
(le prisme de San’herib, conservé au British Museum)
Il fait aussi consigner dans ses chroniques sa victoire sur le roi « Hizkiahou le Judéen ».
Chez nous aussi, les scribes consignent les faits pour la postérité. A deux reprises, on lit dans le Tanakh le compte-rendu, succinct il est vrai, de la victoire assyrienne:
« Dans la quatorzième année du règne d’Ezéchias, Sennachérib, roi d’Assyrie, marcha contre toutes les villes fortes de la Judée et s’en empara. »(2Rois 18-13)
et dans nos propres chroniques: « Après ces événements qui démontrèrent la fidélité d’Ezéchias envers Dieu, Sennachérib, roi d’Assyrie, vint envahir le territoire de Juda. Il assiégea les villes fortifiées et ordonna d’en forcer les remparts (2 Chroniques 32,2 )
San’herib est si fier de sa victoire qu’il fait graver des bas-reliefs sur tous les murs de son palais pour la commémorer.
(Prise de Lakhish sur un bas-relief du palais de Sanherib a Ninive, British Museum)
Ces bas-reliefs nous donnent des détails sur la bataille: San’herib dut utiliser des machines de guerre tellement la ville était bien défendue:
San’herib est persuadé que Jerusalem lui appartient désormais. Il grimpe à travers les monts de Judée confiant et sûr de lui, mais il ne prendra jamais Jerusalem ainsi qu’il est écrit:
– dans le deuxième livre des Rois:
« C’est pourquoi parle l’Eternel au sujet du roi d’Assyrie. Il ne pénétrera pas dans cette ville, n’y lancera aucune flèche, ne lui opposera pas un seul bouclier, et n’établira pas de redoute contre elle. Il reprendra le chemin par où il est venu, mais dans cette ville (dit l’Eternel) Il n’entrera pas. Car je la protégerai, cette ville, pour son salut, en faveur de moi et de mon serviteur David. Cette même nuit, un ange du Seigneur se rendit au camp assyrien et y fit périr cent quatre-vingt-cinq mille hommes; en se levant le matin, on aperçut tous ces cadavres. Sennachérib, roi d’Assyrie, leva alors le camp, prit le chemin du retour et s’arrêta à Ninive.
– dans le deuxième livre des Chroniques:
« Alors l’Eternel envoya un *ange qui extermina dans le camp du roi d’Assyrie tous les vaillants guerriers, y compris les généraux et les officiers, si bien que le roi retourna dans son pays tout confus. Un jour, il pénétra dans le temple de son dieu, et ses propres fils l’y assassinèrent d’un coup d’épée. C’est ainsi que l’Eternel délivra Ezéchias et les habitants de Jérusalem de Sennachérib, roi d’Assyrie, et de tout autre ennemi. Il leur accorda la paix sur toutes leurs frontières »
(L’armée de San’herib détruite par les anges au siège de Jerusalem, Rubens, Musee des Beaux Arts, Anvers)
Jerusalem n’est pas conquise, tout le monde respire.
Il a fallu quand même une intervention divine! Notre petite armée n’était pas de force face à celle des Assyriens.
Les Juifs reconstruisent leurs villes-verrou en attendant le prochain coup. Ils n’auront qu’un court répit de 136 ans! La belle ville de Lakhish sera détruite lors de la conquête babylonienne et ne pourra pas protéger Jerusalem.
Nabukhanetsar* prendra Jerusalem en l’année 586 et en détruira le Temple.
Suis-je venue à Lakhish en cette fin de l’hiver pour m’asseoir sur un tas de pierres et me remémorer cette histoire bien connue?
Non, si je suis là, c’est a cause d’une lettre.
Une lettre ou plutôt une phrase écrite par un soldat sur un ostracon il y a 2500 ans:
כי אל משואות לכיש אנחנו שומרים ככל האותות אשר נתן אדוני, כי לא נראה את עזקה
« Selon l’ordre de mon commandant, nous protégeons les torches de Lakhish mais celles d’Azeka, nous ne les voyons plus »
Nous ne savons presque rien de lui. Nous ne savons pas s’il avait bon ou mauvais caractère, s’il avait une famille, s’il était amoureux…Nous ne connaissons que son nom, Hoshayahou.
Hoshayaou était de garde lorsqu’Azeka, la ville la plus proche de Lakhish, est tombée. Les torches qui signalaient les tours de garde d’Azeka s’étaient éteintes car il n’y avait plus d’Azeka. Seules les torches de Lakhish brillaient encore et il voulait prévenir son commandant de l’arrivée imminente des troupes babyloniennes. Pour ses camarades et lui, seuls dans leur tour de guet entre Azeka et Lakhish, c’était la fin…Mais Lakhish pouvait encore être sauvée si ce message y parvenait…
Cet ostracon a été trouvé à Lakhish en 1938 par un archéologue anglais nommé Starkey*. Il est donc parvenu à destination mais Lakhish n’a pas été sauvée…
(message de Hoshayahou, Musée d’Israel)
A l’endroit où se tenait ce soldat , se trouve maintenant Mitzpe Massouah (מצפה משואה), la Tour de la Torche. C’est une tour construite par le KKL pour détecter les incendies.
(tour de Mitzpe Massoua, Site du KKL)
D’un côté on peut voir jusqu’à la côte méditerranéenne
(Mapa.co.il)
et de l’autre jusqu’au monts de Judée
Ni Lakhish ni Azeka n’ont été reconstruites mais, dans cette région qui vit de l’élevage et de la vigne, on trouve actuellement de nombreux moshavim dont un qui s’appelle Lakhish.
(Moshav Lakhish, vendanges à Soukot 2012, site ligdol.co.il)
A bientôt,
*Tu Bishvat: https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2013/01/16/le-mois-de-shvat/
*San’herib: Sennacherib en français, roi d’Assyrie (705-681)
*Nabukhanetsar: Nabuchodonosor en français, roi de Babylone (605-582)
*Starkey: James Leslie Starkey (1885-1938), archéologue anglais, connu surtout pour ses fouilles sur le site de Lakhish, assassiné par les Arabes dans la région de Hebron. Il est enterré au cimetière protestant de Jerusalem.
Émouvant message. Nous remontons le temps et trouvons nos semblables, tellement proches de nos émotions, espoirs et craintes.
A reblogué ceci sur Didier Longet a ajouté:
Un très bel article sur le site de Boker Tov Yerushalaym
Quel MAGNIFIQUE récit. Je découvre votre blog. Je reste en lien !
Bienvenue à bord!